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Suppression des vols intérieurs : Garantir les intérêts des consommateurs dans une réelle transition vers le ferroviaire

Alors que les députés doivent examiner ce week-end l’article du projet de loi Climat et Résilience relatif à l’interdiction de certains vols intérieurs en cas d’alternative ferroviaire satisfaisante, l’UFC-Que Choisir publie une étude exclusive sur les impacts économiques et environnementaux de cette mesure qui met au jour son échec annoncé. L’UFC-Que Choisir appelle donc les parlementaires à donner de la substance à cette réforme, tout en mettant en place les garde-fous garantissant que la SNCF ne se saisira pas de l’aubaine pour gonfler artificiellement ses prix ou dégrader la qualité du service ferroviaire. 

SUPPRESSION DES VOLS INTÉRIEURS : UN PROJET DE LOI QUI DÉCLASSE LA PROPOSITION DE LA CONVENTION CITOYENNE

La pandémie de Covid-19 exacerbe les crises environnementale et sociale préexistantes. Elle doit nous conduire à repenser notre politique de santé pour faire face au défi de futures crises sanitaires d’origine infectieuse.

Alors que la France s’est engagée à réduire drastiquement ses émissions de gaz à effets de serre (1), la Convention citoyenne pour le Climat a proposé, pour participer à la réalisation de cet objectif, d’interdire les vols intérieurs s’il existe une alternative en train directe de moins de 4 heures. L’analyse de l’UFC-Que Choisir met en évidence non seulement l’impact réel sur la baisse des émissions de CO2 de cette mesure, mais aussi l’absence d’effets néfastes significatifs sur les temps de transports et sur les prix. En moyenne, l’avion émet 77 fois plus de CO2 par passager que le train sur ces lignes, alors même que le train est moins cher (- 4 €) et que la perte de temps est limitée à 40 min (2).

Mais le projet de loi Climat et résilience, pourtant censé reprendre « sans filtre » les positions des citoyens, a abaissé le seuil à 2 h 30 de train. Notre étude montre que, loin d’être anecdotique, le choix du gouvernement vise en réalité à vider la mesure de sa substance. Seules 5 lignes restent concernées par la mesure, représentant 12 % des passagers ayant emprunté un vol intérieur métropolitain, contre 18 lignes au seuil des 4 heures (30 % des passagers). De quoi s’interroger sur la volonté des pouvoirs publics de s’attaquer à la question de l’impact environnemental des lignes intérieures : au seuil des 2 h 30, l’effet sur les émissions de CO2 est 3 fois moins élevé qu’au seuil des 4 heures.

EXEMPTION DES CORRESPONDANCES : CHEMIN DIRECT VERS UNE MESURE INOPÉRANTE

Le projet de loi prévoit également d’exempter les vols « majoritairement » destinés à la correspondance à l’international. Alors que le principe d’une exemption pour les voyageurs en transit est compréhensible (3), force est de constater que l’absence de cadre clair pour bénéficier de cette dérogation risque de dévitaliser encore un peu plus la mesure. En effet, dans sa rédaction actuelle, la loi permettrait d’exclure de la mesure tous les vols à destination ou au départ du hub de Paris Roissy-Charles de Gaulle (soit 67 % des passagers concernés), ou encore toutes les lignes qui ont plus de 50 % de passagers en correspondance, c’est-à-dire 80 % du total potentiel (seule la liaison Orly – Bordeaux serait alors supprimée) (4).

La conséquence serait sans appel : ainsi affaiblie, la loi ne permettrait de diminuer que de 7 % les émissions du transport aérien intérieur métropolitain, soit quatre fois moins que sans exemption pour correspondance (5) ! Il existe pourtant une voie de passage ambitieuse et réaliste : appliquer le principe de l’exemption non aux lignes, mais aux voyageurs, qui ne pourraient embarquer que s’ils sont en correspondance. Cela amènerait les compagnies à réduire en proportion leur nombre de vols, et à préserver la portée de la mesure sans sacrifier l’accès aux vols longs courrier depuis tout le territoire.

TARIFS, QUALITÉ DE SERVICE : PAS DE BLANC-SEING POUR LA SNCF

Bien que notre analyse mette en évidence l’absence d’impact tarifaire néfaste de la mesure pour les consommateurs, cette vérité d’aujourd’hui pourrait ne pas être celle de demain. La SNCF se retrouverait en effet en situation de monopole de fait sur les liaisons à grande vitesse, en l’absence d’alternative aérienne désormais interdite et de concurrence ferroviaire, théoriquement possible depuis décembre dernier mais pour l’instant inexistante. Les consommateurs ne sauraient accepter que l’opérateur historique profite de cette réforme pour augmenter de manière opportuniste ses prix, ou laisser se dégrader la qualité du service (tant en termes de confort que de ponctualité). C’est pourquoi il est indispensable, en plus d’une politique ambitieuse et pertinente d’investissement dans le réseau ferré, que l’Autorité de régulation des transports propose, avant l’entrée en vigueur de la mesure, un cadre permettant l’émergence d’une concurrence ferroviaire réelle sur la grande vitesse.

Au regard des constats dressés, l’UFC-Que Choisir demande aux parlementaires, dans le cadre des discussions autour du projet de loi Climat et Résilience :

LIRE L’ÉTUDE

De l aérien au rail.pdf

(1) Dans le cadre de l’Accord de Paris, la France s’est engagée à diminuer de 40 % ses émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2030 par rapport au niveau de 1990. Cet objectif a été revu à la hausse par l’Union Européenne (- 55 %).

(2) Nous intégrons dans notre analyse le temps d’attente incompressible à l’aéroport (enregistrement au comptoir, dépôt des bagages, contrôles de sécurité, etc.).

(3) Cela permet d’éviter un report vers d’autres aéroports européens au risque d’augmenter les émissions globales de carbone et de détériorer la desserte des voyageurs les plus éloignés de Paris.

(4) Estimations UFC-Que Choisir, dans l’hypothèse d’un seuil fixé à 2 h 30.

(5) Estimations UFC-Que Choisir, dans l’hypothèse d’un seuil fixé à 4 heures.