Un problème pris en considération… mais sur de trop faibles volumes
“En cinq ans, un vrai changement des mentalités s’est opéré et les enseignes ont, pour la plupart, réellement pris le problème des pesticides au sérieux, constate Laure Ducos, chargée de campagne Agriculture et alimentation à Greenpeace France. Cela s’est traduit par la mise en place d’états des lieux, de plans ou de démarches de progrès. Malheureusement, le compte n’y est pas : bien que de nombreuses filières de fruits et légumes soient concernées, cela reste dans le cadre des marques de distributeurs, qui représentent in fine de faibles parts du volume total vendu par chaque enseigne. Il y a un vrai sujet sur les marques nationales, c’est-à-dire les marques qui n’appartiennent pas aux enseignes et qui constituent le plus gros des volumes vendus dans la grande distribution.”
De plus, pour Greenpeace, la grande distribution doit impérativement soutenir les agriculteurs et agricultrices dans leur démarche de réduction des pesticides. “La transition agricole est une véritable prise de risque pour les agriculteurs et agricultrices, poursuit Laure Ducos. Or, ces difficultés ne doivent pas être exclusivement endossées par celles et ceux qui vivent une situation économique et sociale déjà extrêmement tendue. Il est donc urgent que la grande distribution revalorise les prix d’achat à la hauteur des efforts réalisés. Cela n’est que trop rarement le cas à l’heure actuelle [2].”
Des résultats inégaux selon les enseignes
Parmi les sept enseignes suivies ces dernières années, Leclerc est clairement la mauvaise élève. Malgré l’engagement de Michel-Édouard Leclerc de réduire de 50% les pesticides de ses fruits et légumes, l’enseigne est loin du compte et les promesses sont tout simplement restées des effets d’annonce. Carrefour tire au contraire son épingle du jeu : c’est l’enseigne la plus avancée en matière de changement des pratiques et de réduction des pesticides en particulier. Des efforts variables sont observés chez les autres enseignes (Auchan, Casino, Intermarché, Monoprix et Système U), sans pour autant que cela se traduise par des résultats toujours probants en matière de réduction des pesticides.
Le gouvernement doit aussi tenir ses engagements au sujet de la réduction des pesticides
Ce bilan en demi-teinte ne doit cependant pas entraver les démarches jusqu’ici entamées : la grande distribution doit poursuivre ses efforts. En parallèle, Greenpeace France demande au gouvernement français de prendre ses responsabilités et de tenir ses promesses, contrairement au rétropédalage qui a été constaté ces derniers mois au sujet des pesticides. Il est urgent que l’État intervienne à l’échelle française et européenne pour interdire rapidement l’usage de tous les pesticides de synthèse dont les substances actives sont les plus préoccupantes pour la santé et l’environnement. Il doit en outre soutenir les producteurs et les productrices engagées dans le changement des pratiques et dans la conversion à l’agriculture biologique en particulier, et faciliter l’accès à une alimentation saine, durable et de qualité, notamment pour les ménages les plus précaires.
[1] Lancée en 2015, la Course Zéro Pesticide avait pour objectif de mettre les enseignes en compétition afin d’amener les principales enseignes de la grande distribution à une production de fruits et légumes sans pesticides. Trois critères sont pris en considération pour évaluer les enseignes : les efforts pour éliminer les pesticides les plus dangereux de leur production de fruits et légumes, le soutien aux agriculteurs et agricultrices pour faire évoluer leurs pratiques, la transparence des enseignes vis-à-vis des consommateurs sur le recours aux pesticides.
[2] Voir l’enquête réalisée par Greenpeace en 2018 : les enseignes ne revalorisent pas forcément, financièrement, les efforts entrepris par les producteurs et les productrices.