Rendu nécessaire par l’état d’urgence sanitaire, le report des assemblées générales de copropriété s’est rapidement mué en un défi majeur pour les cabinets de syndics. Un chiffre suffit à le comprendre : comme le souligne la Fédération nationale de l’immobilier, ce sont pas moins de 350 000 réunions de copropriétaires qui étaient programmées entre le 12 mars et le 30 juin 2020.
« La crise sanitaire a imposé un effort de flexibilité et de réactivité exceptionnel à de nombreux professionnels : les cabinets de syndics n’ont pas échappé à la règle. », souligne Jean-Philippe Zembra, gérant d’Immobilière du Château. « Les assemblées générales physiques n’étant possibles que dans les copropriétés de moins de 10 lots, en raison des mesures exceptionnelles prises par le gouvernement, les syndics se trouvent dans l’obligation de refaire toutes les convocations, à une période où le délai de droit commun – 21 jours au moins – devient une véritable contrainte. En effet, la période des congés estivaux arrive à grands pas, et il n’est, pour des raisons évidentes, pas envisageable de choisir ces 2 mois pour organiser l’ensemble des AG reportées ».
Face à la situation sanitaire autant qu’à la nécessité de permettre aux copropriétaires d’échanger et de statuer sur l’ensemble des sujets inhérents à la gestion de leur immeuble, l’enjeu pour les cabinets de syndics est donc d’accompagner un grand nombre de copropriétés dans le recours aux assemblées générales à distance.
L’ordonnance du 20 mai : des ajustements bienvenus sur la prorogation des contrats de syndics
Prise sur le fondement de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, l’ordonnance 2020-595 du Ministère de la Justice est parue le 20 mai dernier. Ce texte revient notamment sur les dispositions de l’ordonnance 2020-304 du 25 mars 2020, concernant les modalités de prorogation des contrats de syndics. Dès à présent, les contrats de syndics ayant expiré entre le 12 mars et le 23 juillet 2020 seront automatiquement prorogés, au plus tard jusqu’au 31 janvier 2021. Ainsi, toutes les AG ayant pour objet le renouvellement d’un contrat de syndic ou la nomination d’un nouveau syndic devront se tenir au plus tard avant cette date. « Cette évolution des dispositions de l’ordonnance du 25 mars était plus que nécessaire, et nous nous félicitions que la mobilisation de la profession ait porté ses fruits », souligne Jean-Philippe Zembra. « En effet, l’ordonnance du 25 mars prévoyait la prorogation de seuls contrats de syndics arrivant à expiration avant le 23 juin 2020 inclus. Or, pour plus de 70 % des copropriétés en France, l’échéance du contrat de syndic était fixée au 30 juin ! Si l’état d’urgence sanitaire n’avait pas été prolongé, et si cette disposition n’avait pas été réécrite, les gestionnaires de copropriété se seraient trouvés contraints de tenir plusieurs dizaines de milliers d’assemblées générales en quelques jours, ce qui aurait été purement et simplement impossible ».
Assemblées générales à distance : le verrou du vote préalable en AG physique levée
Autre innovation de cette ordonnance très attendue : le texte du 20 mai 2020 autorise la tenue d’assemblées générales dématérialisées sans vote préalable lors d’une assemblée générale en présentiel. Ce régime exceptionnel est prévu jusqu’au 31 janvier 2021. Il appartiendra donc au syndic de retenir la solution la plus adaptée pour assurer aux copropriétaires la possibilité de participer à l’AG à distance. Pour Jean-Philippe Zembra, « cette évolution va dans le sens de l’histoire et pourrait amorcer un changement d’ère en matière d’échanges entre copropriétaires : en effet, plus aucun frein juridique ne vient entraver le recours massif aux solutions d’AG à distance, encore très peu usitées avant mi-mars, mais qui constitue désormais une attente forte des particuliers ». Les syndics pourront ainsi organiser librement des assemblées générales dématérialisées, grâce à la visioconférence ou au vote par correspondance. Si elle va dans le sens des attentes du grand public dans un contexte sanitaire et social très spécifique, cette disposition oblige les syndics à un surcroît de vigilance, puisqu’in fine, c’est aux copropriétaires qu’il reviendra d’assumer le coût de l’outil d’assemblée générale virtuelle choisie par le syndic.
Comme le souligne Jean-Philippe Zembra, « Cette disposition apporte une simplification nécessaire, tout en offrant de réelles garanties aux copropriétaires : ainsi, le syndic qui décide d’avoir recours aux assemblées générales dématérialisées doit en informer les copropriétaires au moins 15 jours avant la tenue de l’AG, par tout moyen permettant d’établir avec certitude la date de la réception de cette information. Pour les professionnels, il conviendra d’être extrêmement vigilant sur ce point, sous peine de nullité de l’assemblée générale. »
Une attente forte des copropriétaires et une opportunité pour les syndics de mieux valoriser leur expertise
Recourir davantage à des assemblées générales dématérialisées pourrait, de prime abord, apparaître comme une « fausse bonne idée », les français de tous âges et de tous milieux n’étant pas également familiers des outils numériques. Une analyse hâtive, selon Jean-Philippe Zembra : « Contrairement à certaines idées reçues, nous n’observons pas de véritables disparités entre les jeunes primo-accédants, et les copropriétaires plus âgés, concernant l’utilisation des outils numériques. Si les jeunes copropriétaires maîtrisent, de manière plus innée, la technologie, nous observons, chez les plus âgés, une réelle volonté d’apprendre à maîtriser ces outils. Les outils numériques permettent aux syndics de répondre autrement à la demande des copropriétaires, et de rendre compte de leurs travaux avec davantage de transparence. »