La direction d’Opel était manifestement satisfaite du succès rencontré sur le marché des voitures de luxe et en compétition. Entre 1906 et 1908, la production d’Opel resta à un niveau relativement constant. En 1906, 492 voitures et 26 camions ont été construits, l’année suivante 454 voitures et 24 camions, celle d’après 470 voitures et 30 camions. En complément des voitures de luxe, un nouveau marché se dessinait : celui des modèles plus abordables. Fort de l’expérience industrielle en deux-roues, Opel fit passer sa production automobile dans l’ère de la grande série.
Fiabilité au premier plan
Le client cible : il n’accorde pas trop d’importance aux dimensions et à l’esthétique et peut investir quelques milliers de marks dans un moyen de transport.
Les frères Opel ont identifié ce client idéal dans le corps médical. Il avait besoin d’une voiture capable de le transporter jour et nuit, quelle que soit la météo, sur des petites routes, en toute sécurité vers leurs patients à deux ou quatre jambes (Opel s’adressait également aux vétérinaires). Détail non-négligeable, les médecins disposaient également de moyens financiers nécessaires pour acheter une voiture. Afin de ramener le prix à moins de 4 000 marks, Opel conçut une biplace simple et robuste : la 4/8 PS, équipée d’un moteur 4 cylindres en ligne de 1029 cc dont la puissance maximale était de 8 ch à 1600 tours. Le mouvement été transmis au moyen d’une boîte de vitesses à 3 rapports placée sous le plancher de la voiture et d’un cardan situé au niveau de l’essieu arrière.
La 4/8 PS « Docktorwagen » (voiture du médecin) dont les deux voyageurs n’étaient protégés du froid que par une couverture sur les genoux, est arrivée sur le marché à un prix de base de seulement 3 950 marks, deux fois moins chère qu’une voiture de luxe. Son surnom lui vient de son succès auprès de nombreux médecins qui visitaient leurs patients au volant de ce véhicule. Les docteurs et les autres clients ont vite compris les avantages offerts par cette voiture qui atteignait la vitesse honorable de 50 km/h et qui était, comparé aux modèles de luxe lourds, très facile à manœuvrer.
Le châssis et la carrosserie de cette voiture, qui ne pesait pas plus de 525 kg, ont été construits aussi solidement que possible. L’essieu avant rigide était constitué d’une seule pièce en acier forgé. Les médecins devant pouvoir se déplacer même par mauvais temps sur des routes dégradées, le moteur et la boîte de vitesses étaient protégés par un bouclier en acier massif, tandis que les roues étaient facilement démontables pour simplifier le remplacement des pneus. La consommation d’essence était également relativement faible : environ 8 litres aux 100 kilomètres.
Lorsque la production de la 4/8 PS a débuté en 1909, les ventes ont atteint 798 voitures et 47 camions, et doublèrent l’année suivante avec la livraison de 1 556 véhicules. Ces chiffres ont progressé jusqu’au début de la guerre en 1914. Opel était devenu le premier constructeur automobile allemand avec 3 335 véhicules.