Les Etats généraux de l’alimentation (EGA) prennent fin ce jeudi 21 décembre 2017. Les cinquante organisations de la « plateforme citoyenne pour une transition agricole et alimentaire », impliquées dans ce processus pour faire entendre la voix de la société civile, tiennent à ce qu’il débouche sur des actes cohérents et des résultats ambitieux, notamment via les plans de filières, la loi sur l’alimentation prévue début 2018 et la prochaine loi de finances.
Tout d’abord, nous dénonçons fermement le fait que, parallèlement aux discussions des EGA censées préparer un virage agroécologique de notre agriculture et de notre alimentation, le gouvernement ait opéré ces 6 derniers mois des reculs sur des sujets cruciaux : suppression d’aides au développement de l’agriculture biologique, autorisation de nouveaux néonicotinoïdes, entrée en vigueur provisoire du CETA, fragilisation de la politique foncière. Nous regrettons également le manque d’ambition du gouvernement sur les enjeux agricoles et alimentaires dans le cadre de la politique française de solidarité internationale. Aucune annonce positive du discours de Rungis n’a encore été concrétisée. Certaines annonces semblent rester lettre morte comme l’enveloppe de 200 millions d’euros pour les paiements de services environnementaux qui ne semble pas exister pour les ministères concernés. Il est clair que ces signaux négatifs doivent être éteints par des engagements clairs et précis du gouvernement ce jeudi.
Au-delà de la forme très variable des ateliers, leurs conclusions doivent maintenant être transformées en engagements concrets qui répondent aux attentes sociétales et citoyennes, en cohérence avec le discours d’Emmanuel Macron du 11 octobre 2017. Dès jeudi, les moyens financiers et réglementaires permettant de juger de leur crédibilité et de la volonté du gouvernement doivent être précisés. Concernant les attentes de la société civile, nous ne nous contenterons pas d’une coquille vide en guise de projet de loi. Le gouvernement doit prendre ses responsabilités pour assurer la transition agroécologique des modèles agricole et alimentaire au Nord comme au Sud.
Les actions doivent notamment porter sur:
– le droit au revenu des paysans,
– l’allocation de moyens pour une restauration collective responsable, via une prime à la conversion des cantines, finançant l’investissement afin d’atteindre les objectifs suivants : 30 % de produits bio en 2022, intégration de produits issus du commerce équitable, diversification des sources de protéines et alternative végétarienne quotidienne, etc.
– un plan d’action pour la sortie des pesticides (et du glyphosate en 3 ans), avec des moyens réglementaires, financiers et fiscaux.
– un plan d’action contre la contamination chimique de l’alimentation (perturbateurs endocriniens, huiles minérales, nanos, etc.) dans le cadre d’une politique efficace de santé environnementale.
– des mesures pour améliorer la composition nutritionnelle des produits alimentaires et l’information des consommateurs : étiquetage sur les modes de production, la composition exacte des produits, les perturbateurs endocriniens, la rémunération des producteurs, etc.
– un plan bio ambitieux doté de moyens : objectifs de 20 % de la SAU en agriculture biologique en 2022 et mise en oeuvre des paiements pour services environnementaux. – un financement ambitieux des mesures de transition et des investissements dédiés à la relocalisation des systèmes alimentaires, via le Plan d’investissement d’avenir et la PAC.
– des mesures concrètes pour réduire l’impact climatique de notre alimentation grâce notamment à un plan visant à l’autonomie en protéines végétales de la France (diminution des engrais et lutte contre l’importation de produits issus de la déforestation).
– l’ouverture de la gouvernance des SAFER et des chambres d’agriculture aux organisations de la société civile.
– la mise en cohérence des politiques publiques pour l’aide au développement en mettant en place un rapporteur à la cohérence des politiques pour le développement et en fléchant 50 % de l’APD agricole vers l’agro-écologie et les agricultures familiales.
– les engagements forts pour faire évoluer les standards de bien-être animal et favoriser les modes d’élevages plus respectueux du bien-être animal, comme l’interdiction de la production d’oeufs de poules élevées en cages.
– une réforme de politique agricole de l’eau avec la mise en place de véritables mesures de prévention des pollutions agricoles et l’application du principe pollueur-payeur.
– la réglementation des nouveaux OGM.
Pour en savoir plus sur les mesures portées par la Plateforme Citoyenne pour une Transition Agricole et Alimentaire, voir la liste de nos 63 priorités, disponible en ligne ici.
Concernant les plans de filière annoncés par le président de la République lors de son discours de Rungis, la Plateforme citoyenne déplore la déconnexion entre leur élaboration par les interprofessions et les conclusions de la seconde phase des EGA. Elle demande à ce que ces plans de filière répondent aux conclusions des ateliers des EGA et qu’une phase de consultation avec la société civile ait lieu avant leur approbation.
Nous étions dans le temps de la discussion, nous entrons maintenant dans le temps de l’action, et cette phase doit se faire avec la société civile.
Nous attendons du Président et du gouvernement un cap ferme pour une transition agricole et alimentaire, basée sur une approche globale et transversale, et impulsée par une grande loi. De simples engagements des parties prenantes ne suffiront pas, le gouvernement ne peut pas se défausser. En gage de sincérité, nous attendons que le gouvernement ouvre la gouvernance agricole, remette sur la table les 400 millions d’euros manquants pour les 3 ans à venir pour le maintien de l’agriculture bio, et qu’il annule définitivement la récente autorisation des deux nouveaux pesticides tueurs d’abeilles.
La Plateforme citoyenne pour une transition agricole et alimentaire
A l’annonce de la tenue d’Etats généraux de l’alimentation, une plateforme citoyenne pour une transition agricole et alimentaire s’est constituée. Elle rassemble plus d’une cinquantaine d’organisations de la société civile : acteurs économiques venant du monde agricole, de la pêche ou du commerce équitable, acteurs scientifiques, acteurs citoyens issus de la consommation responsable, de l’action sociale, de la santé humaine, du bien-être animal, de la protection de l’environnement et du climat, du monde étudiant et de la solidarité internationale.