Quand 70 % des élus locaux asphyxient la production résidentielle…
Le candidat Macron l’avait annoncé : s’il était élu, il créerait les conditions d’un choc de l’offre pour le logement, c’est-à-dire un élan de constructions résidentielles nouvelles. Bien que le secret de ce que sera le projet de loi préparé par Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires, soit bien gardé, tout porte à croire que les engagements pris devant les électeurs seront tenus.
Il est question, dans les zones tendues qui pâtissent d’un manque cruel de logements, de décréter des opérations d’intérêt national. Là, l’État se réservera le droit de reprendre la main sur les maires qui sont réticents à délivrer des autorisations de construire. On entend que ce serait un changement d’opinion sur la décentralisation et un crime de lèse-majesté envers les élus locaux concernés. Ceux qui portent ces critiques ignorent sans doute ce qui se passe en pratique dans les territoires. Ils ne savent pas quel usage trop de maires font de leurs prérogatives d’urbanisme. Le malthusianisme de ces maires, qui ne fait évidemment pas oublier le dynamisme des autres, est devenu une des causes de l’insuffisance de l’offre de logements neufs. On ne parle plus des 500 000 unités longtemps présentées comme nécessaires à l’équilibre du pays. Au fond, cette estimation présentait l’inconvénient de donner le sentiment d’un mal étale, alors qu’il concerne essentiellement les communes dont les maires se refusent à favoriser la construction, par frilosité envers l’opposition au changement de leurs administrés ou pour d’autres, par peur de renouvellement de la population et d’évolution de sa sociologie.
Ils répondent quand ils sont mis en cause qu’ils n’ont pas les moyens de développer les services, que de nouveaux arrivants dans leurs communes ne manqueront pas d’exiger, écoles, crèches ou antennes de police. Ces arguments ne tiennent pas : les ménages apportent de la richesse, consomment sur place, font vivre les commerces et les entreprises qui les fournissent. En clair, s’ils coûtent un peu, ce sont des investissements vite compensés et au-delà. Combien de maires, ainsi, ne mettent pas en œuvre les règles d’urbanisme à l’édification desquelles ils ont pris part. Il est vrai que cette compétence a été transférée depuis le début de l’an dernier aux Territoires ou aux intercommunalités: les plans locaux d’urbanisme ne sont pas appliqués et les projets de construction tombent à l’eau par la suppression autoritaire d’un ou plusieurs étages, rendant leur équilibre financier impossible. Lorsqu’ils cèdent des terrains, propriété de leur ville, ces maires qui préfèrent l’immobilité au mouvement choisissent presque toujours les plus offrants, quels que soient leur vision et leur projet, plutôt que de donner la priorité à la maîtrise de l’accessibilité des prix ou encore à la mixité bien pensée. De cette manière, ils se protègent de la suspicion d’appauvrir leur commune. Les considérations politiques les plus étroites l’emportent sur l’objectif de loger la population.
On entend aussi que le pouvoir qui serait conféré à terme par la loi ALUR aux intercommunalités pour la délivrance des permis de construire suffirait à régler ce problème. Ce transfert de compétence constituerait un progrès indéniable, en diluant les blocages sensibles à l’échelon communal. Néanmoins, les maires peu enclins à construire sont majoritaires. Qui sait par exemple qu’en Ile-de-France 20% des maires sont à l’origine de 100% des quelque 35 000 logements construits chaque année… quand le double permettrait péniblement de répondre aux besoins ? C’est ainsi que 70% des élus locaux étouffent la production résidentielle.
Bref, se mettre en situation légale de délivrer les permis de construire est pour l’État une mesure de salut public. Il faut le dire sans ambages et souhaiter que le Parlement ne stérilise pas la volonté du Chef de l’État sur ce point crucial pour l’avenir de notre pays.