Le nombre d’appareils utilisant un système de navigation par satellite global (GNSS) devrait passer de 4 à 7 milliards à l’horizon 2022. La croissance est nourrie par l’émergence d’applications, dont l’utilisation dépasse largement le simple guidage ou positionnement. Pour aller dans cette direction, l’Union européenne lance Galileo, un système GNSS de dernière génération. Il repose sur une nouvelle technologie de signaux développée par une équipe de cinq personnes, les ingénieurs français Laurent Lestarquit et Jean-Luc Issler, le franco-belge Lionel Ries, l’espagnol José Ángel Ávila Rodríguez et l’allemand Günter Hein. En plus de la conception de près de la totalité du système de signaux utilisée pour le projet Galileo, ils sont également à l’origine de technologies brevetées de signaux de navigation modulés à spectre étalé permettant d’améliorer la précision et l’interopérabilité de Galileo avec les autres systèmes de navigation par satellite.
Pour cette réussite, Laurent Lestarquit, José Ángel Ávila Rodríguez, Lionel Ries, Jean-Luc Issler et Günter Hein ont été nominés pour le Prix de l’inventeur 2017 dans la catégorie « Recherche ». Les gagnants de la douzième édition de ce prix récompensant l’innovation, attribué chaque année par l’Office européen des brevets, seront annoncés le 15 juin prochain lors d’une cérémonie à Venise.
« La technologie des signaux développée par cette équipe européenne est une composante clé de ce système de navigation par satellite, qui relèvera les standards en termes de précision » a indiqué Benoît Battistelli, Président de l’Office européen des brevets lors de l’annonce des nominés 2017. « Galileo est la promesse d’avantages importants pour l’Europe et favorisera la croissance économique. Il s’agit d’une nouvelle base pour de futurs développements technologiques qui permettront d’améliorer la vie quotidienne de centaines de millions de personnes. »
Actuellement, Galileo est en phase opérationnelle initiale avec 18 satellites en orbite sur la trentaine prévue. Galileo est destiné à rejoindre le système américain Global Positioning System (GPS) et russe GLObal NAvigation Satellite System (GLONASS) comme troisième système GNSS. Contrairement à ses prédécesseurs, le nouveau Galileo ne trouve pas ses origines dans le monde militaire et la plupart de ses services sont destinés à une utilisation civile. Galileo, le système le plus récent et le plus avancé, apporte une performance améliorée et une série de nouvelles fonctions et services non disponibles chez ses pairs. Par exemple, Galileo fournit de meilleurs services de positionnement à haute latitudes, ce que le système GPS restreint aux applications de l’aviation commerciale. De plus il propose une fonction entièrement nouvelle « Recherche et sauvetage » (SAR), qui permettra aux secouristes de mieux localiser les personnes en difficulté et d’intervenir ainsi plus rapidement. Les satellites de Galileo peuvent capter les balises de détresse des avions, bateaux et même des personnes, les localiser et envoyer les informations aux centres de secours.
Galileo est conçu pour fonctionner avec les applications basées sur le GNSS actuelles et à venir, et être plus efficace et fiable dans la communication mobile, l’aviation, le domaine maritime et terrestre pour des utilisations aussi variées que la logistique multimodale, la gestion des « smart cities » ou encore l’agriculture. Les avancées récentes dans les voitures autonomes et la tendance d’applications mobiles utilisant la géolocalisation indique la direction suivie par les systèmes de navigation et de positionnement par satellites.
Des ondes nouvelles à fort potentiel
L’un des nombreux défis de conception et de développement rencontrés par l’équipe signaux de Galileo était de renforcer la précision tout en maintenant l’interopérabilité avec les signaux GPS existants et leurs mises à jour prévues.
Pour trouver une solution au problème de l’interopérabilité et de la compatibilité, c’est-à-dire être sûr que le signal GNSS n’interfère pas avec les signaux de GPS ou GLONASS et que les récepteurs puissent utiliser les signaux des trois systèmes. L’équipe a créé un nouveau procédé de réception et de récepteur pour un signal de radionavigation modulé par une forme d’onde d’étalement CBOC (Composite Binary Offset Carrier). Ce signal est créé à partir de deux sous-signaux : le premier est un signal à bande-passante étroite, qui peut déjà être intégré dans les récepteurs actuels standards GNSS et le deuxième comporte une bande beaucoup plus large destiné à des technologies de pointe et de nouvelle génération. CBOC est diffuse sur la même fréquence générale que GPS et GLONASS, ce qui garantit l’interopérabilité. En même temps, ce signal unique ne provoque aucune interférence.
Un système global à vocation universelle
Galileo GNSS est détenu et financé par l’Union Européenne, son développement est quant à lui assuré par l’Agence spatiale européenne. Il a vocation à offrir aux Européens un système de positionnement par satellites indépendant sous contrôle civil, ce qui permettra à l’Europe de peser plus lourdement sur le marché international du GNSS, dont la valeur est estimée à 175 milliards d’euros par an actuellement.
Les technologies GNSS de Galileo permettent d’ores et déjà à plusieurs entreprises de prospérer, comme les fabricants d’appareils mobiles ou des sociétés spécialisées sur le positionnement par satellite. A fin 2016, au moins 17 fabricants de puces électroniques avait adopté le signal Galileo dans leur produit, représentant 95% de l’offre mondial. Dans le seul état de Bavière en Allemagne, il y a 119 start-ups liés à Galileo, dont le revenu annuel cumulé est estimé à 130 millions d’euros.
Une fois complètement opérationnel en 2020, l’impact économique de Galileo devrait se chiffrer à 90 milliards sur les vingt prochaines années.
Une équipe brillante
Lionel Ries est né en 1975 en Belgique et dispose de la nationalité franco-belge. Il possède un diplôme d’ingénieur de l’Université libre de Bruxelles (ULB) et un Master de Supaero (Toulouse). Il travaille pour l’Agence spatiale européenne (ASE, Pays-Bas) en tant qu’ingénieur système GNSS. Avant de rejoindre l‘ASE, il a travaillé pour le Centre national d’études spatiales (CNES), d’abord comme ingénieur GNSS, soutenant l’équipe Galileo et l’accord de 2004 entre l’UE et les Etats-Unis et comme responsable des activités de recherche-développement dans les signaux, récepteurs et systèmes GNSS. Ensuite, il dirige le département dédié aux signaux de localisation et de navigation, où il s’occupe notamment de la recherche et le sauvetage par satellite. Lionel Ries est l’auteur ou le co-autheur de 25 brevets et d’une centaine de papiers de recherche, la plupart ayant trait à la navigation et au positionnement par satellite.
Diplômé de l’Ecole Polytechnique de Paris et de l’Institut Supérieur de l’Aéronautique et de l’Espace (ISAE-SUPAERO), Laurent Lestarquit est l’inventeur du sytème Alt-BOC et a contribué à plusieurs projets sur la navigation par satellite. Il a reçu le Prix d’Astronautique de l’Association Aéronautique et Astronautique de France, qu’il partage avec Lionel Ries et Jean-Luc Issler.
José Ángel Ávila Rodríguez détient un doctorat de l’Université de la Bundeswehr à Munich et travaille pour l’ASE en tant qu’ingénieur principal Signal et Sécurité GNSS. Il a reçu plusieurs récompenses pour son travail dans le domaine GNSS.
Jean-Luc Issler a dirigé le département Techniques de Transmission et de Traitement du Signal du CNES. Depuis début 2017, il travaille à la sous-direction RadioFréquence du CNES en charge des coopérations techniques internationales. Il est auteur ou co-auteur d’une dizaine de brevets et a signé plus de 150 articles scientifiques dans son domaine.
Günter Hein, professeur émérite de l’Université de la Bundeswehr à Munich et l’auteur ou le co-auteur de plus de 300 publications scientifiques et il est à ce jour le seul européen à avoir reçu le Prix Johannes Kepler de l’institut de navigation américain (ION).