Les athlètes présents sur les podiums olympiques et mondiaux présentent une fréquence élevée de mutations du gène HFE, jusque là associées à l’hémochromatose.
La fréquence des mutations chez les judokas, skieurs de fond et rameurs élites est 2 fois plus élevée que dans la population française. Cette fréquence augmente avec le niveau sportif, suggérant un rôle majeur de ce gène dans la performance.
Certaines mutations du gène HFE sont associées à l’hémochromatose, une maladie héréditaire avec élévation du fer sanguin, dont les dépôts entraînent des anomalies de nombreux organes (peau, articulations, foie, pancréas, hypophyse, cœur et vaisseaux…).
Vues les conséquences sévères de cette maladie (dans sa forme homozygote, les 2 chromosomes maternel et paternel sont porteurs d’une des mutations), on ne comprenait pas ce qui pouvait expliquer un taux si élevé dans la population française (environ une personne sur quatre est hétérozygote et présente une mutation sur l’un des 2 chromosomes, maternel ou paternel).
Menée durant cinq ans, l’étude a porté sur 58 femmes et 112 hommes, tous sportifs de haut niveau et membres des équipes de France d’aviron, de judo et de ski de fond, et testé plus d’une dizaine des mutations les plus connues. Elle montre que i. la fréquence des hétérozygotes chez les sportifs élites est 2 fois plus grande qu’en population générale et ii. dans ces sports, 80% des athlètes, femmes et hommes, ayant accédé à des podiums européens, mondiaux ou olympiques, présentent au moins une mutation de ce gène.
Plusieurs explications peuvent être avancées. Dans ces sports très « physiques », l’activité sportive de haut niveau s’accompagne en condition normale d’une perte de fer par de multiples mécanismes: pertes urinaires après rupture des cellules musculaires ou des globules rouges, saignements digestifs, inflammations… Ces pertes ralentissent alors la fabrication de nouveaux globules rouges, réduisent l’apport d’oxygène aux muscles et retarde leur régénération.
Les mutations du gène HFE permettent au contraire d’augmenter l’absorption du fer. Le transport d’oxygène est alors plus efficace, la production énergétique plus importante, la récupération après saignement plus rapide et la régénération musculaire facilitée. D’un point de vue évolutionniste, il est possible que ces mutations aient d’ailleurs été sélectionnées en raison de l’avantage qu’elles confèraient lors d’efforts traumatisants (chasse) ou dans des situations à forte consommation de fer (grossesse et allaitement), à des époques où l’alimentation était moins riche en minéraux.
Les conséquences éthiques de ces résultats doivent être également bien comprises et pesées. Certains pourraient être en effet tentés de sélectionner les futurs champions sur leur génétique ? Il n’en est rien.
Une carrière sportive ne peut être prédite sur la seule base d’un séquençage ADN et de nombreux autres génotypes non ou mal connus ont pu être inclus dans cette étude. Surtout, la complexité des interférences entre gènes (entre séquences codantes, entre zones régulatrices non codantes, ou avec l’environnement) ne permet pas de prévoir la portée de leurs interactions.
Cependant, cette étude permet de proposer de nouveaux principes physiologiques. Ainsi les plus hautes performances, que l’on sait associées à une plus grande longévité, sont portées par des associations de gènes favorables, qui se révèlent en situation de contraintes très fortes, telles que celles du sport de haut niveau.
Olivier Hermine, l’un des premiers auteurs, note que l’effet de ces mutations pourrait aussi modifier favorablement le profil d’autres maladies musculaires et qu’il s’agit, en tout état de cause, du premier message positif proposé en relation avec la composante génétique de ces maladies.
Article : Eighty percent of French sport winners in Olympic, World and Europeans competitions have mutations in the hemochromatosis HFE gene.
Olivier Hermine*, Gérard Dine*, Vincent Genty, Laurie-Anne Marquet, Gabriela Fumagalli, Muriel Tafflet, Flavia Guillem, Françoise Van Lierde, Marie-Philippe Rousseaux-Blanchi, Christian Palierne, Jean-Claude Lapostolle, Jean-Pierre Cervetti, Alain Frey, Xavier Jouven, Philippe Noirez & Jean-François Toussaint. * both authors equally contributed. Biochimie.
http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/26416567