Alors que le Parlement européen rejetait, hier, l’interdiction du chalutage profond, le principal armateur du secteur, la Scapêche, filiale d’Intermarché, vient d’annoncer qu’elle se donnait 5 ans pour réorienter son activité et arrêter le ciblage des espèces profondes.
« C’est d’abord une bonne nouvelle pour les fonds marins, le massacre va peut-être enfin cesser, déclare Hélène Bourges, chargée de campagne océans à Greenpeace France. Cette contradiction entre la décision européenne et la position de l’industrie est aussi la preuve du manque total de vision des politiques. La question du chalutage profond montre encore une fois qu’il est urgent de transformer le secteur. M. Cuvillier, ministre français des Pêches, en a le mandat mais il ne fait rien en ce sens. L’industrie a utilisé cet aveuglement pour se ménager 5 ans de transition. »
Les industriels se retirent un à un d’un marché éteint
Ces 10 derniers jours, deux des principaux distributeurs français, Casino et Carrefour, ont annoncé l’arrêt de la vente d’espèces profondes. A l’initiative de l’ONG Bloom, plus de 750 000 citoyens se sont prononcés contre cette pratique dévastatrice. La nouvelle orientation de la Scapêche est un signe que les industriels eux-mêmes savent que ce modèle de pêche n’a pas d’avenir. Le déploiement par l’industrie du chalutage profond d’un lobbying acharné pour sauver cette pratique leur a simplement permis de gagner du temps, qui sera mis à profit pour réorienter les pratiques du groupe.
« Nous espérons que la Scapêche mettra autant d’énergie à réorienter ses pratiques vers une pêche réellement durable qu’elle en a mis à défendre le maintien du chalutage profond, souligne Hélène Bourges. Greenpeace prend acte de la « main tendue aux ONG » qu’offre la Scapêche. Nous sommes ouverts au dialogue avec cet industriel, mais attendons des gestes concrets de sa part. »
Les politiques français, toujours à contretemps concernant la pêche
La majorité des eurodéputés français a rejeté l’interdiction du chalutage profond lors du vote qui s’est tenu hier à Strasbourg. Quelle ironie que ce soient les industriels du secteur qui, de fait, stoppent cette pratique ! Une nouvelle fois, les décideurs politiques ont été incapables d’impulser un changement de modèle qui garantirait un avenir aux professionnels du secteur. Monsieur Cuvillier, ministre des Pêches, a en particulier déployé une énergie démesurée pour défendre le chalutage profond, modèle de pêche sans avenir, impliquant la destruction de la ressource, des coûts d’exploitation énormes, et un niveau d’emplois par tonne de poissons pêchés parmi les plus faibles dans le secteur.
« Un ministre doit savoir anticiper les changements nécessaires et développer une stratégie à long terme pour la pêche, d’autant plus qu’il s’agit d’une profession en crise, souligne Hélène Bourges. M. Cuvillier est très loin de tout ça aujourd’hui. Il ne défend ni la ressource ni les professionnels du secteur. Un changement d’attitude immédiat de sa part est nécessaire pour préserver une profession en grand danger et donner la place nécessaire aux pêcheurs artisans. »
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