Dans le prolongement de l’étude américaine édifiante parue dans British Medical Journal, l’UFC-Que Choisir publie (1) les chiffres inquiétants du surtraitement des cancers de la thyroïde en France et en appelle aux pouvoirs publics pour urgemment reformuler des recommandations à destination des médecins et améliorer l’information des patients.
Alors que les connaissances scientifiques ont évolué et que seuls certains nodules cancéreux doivent être retirés, les pratiques, elles, n’ont pas changé. Comme le montre l’enquête parue dans Que Choisir Santé, l’ablation de la thyroïde est aujourd’hui encore trop systématique, faisant courir inutilement des risques aux Français.
Une opération sur 5 inutile !
Si la mortalité liée aux cancers de la thyroïde est en baisse en France depuis 10 ans (375 décès l’an dernier contre 478 en 1999), leur nombre, lui, a été multiplié par 3 depuis 1990 (8 211 en 2012 contre 2 531 en 1990). Cette recrudescence est liée à la détection, nouvelle, de petits, voire d’infimes nodules (moins de 1 cm, voire 2 mm)… Or, ces petits nodules, même cancéreux, bien souvent n’évoluent pas et ne devraient pas être retirés mais faire l’objet d’une surveillance. De plus, on opère encore pour des nodules qui ne sont même pas cancéreux. Les chiffres de la pratique parlent d’eux-mêmes : selon un rapport resté trop confidentiel de l’Assurance maladie, 21 % des ablations sont pratiquées pour des nodules en fait bénins.
L’impasse sur les examens préalables
La principale explication du surtraitement français tient au fait que les examens préalables ne sont pas assez pratiqués comme le déplorent d’éminents membres de la Société française d’endocrinologie. Une échographie de qualité alliée à une cytoponction (analyse des cellules prélevées) permettent d’estimer la nature du nodule : dans 65 % des cas, ils s’avèrent bénins. Or, une personne opérée sur 5 n’a pas eu d’échographie et 7 sur 10 n’ont pas eu de cytoponction (2). Pourquoi alors continuer de faire supporter aux adultes des opérations inutiles, occasionnant un stress, des conséquences et des risques qui, eux, sont loin d’être bénins ?
Au vu des surtraitements dénoncés en France, et des études scientifiques qui s’accumulent pour dénoncer la pratique excessive d’ablation de la thyroïde, l’UFC-Que Choisir refuse la passivité des pouvoirs publics français et :
Demande à l’Assurance maladie, à la suite de ses constats chiffrés, de porter publiquement ce problème de santé publique, notamment à travers une campagne de sensibilisation à destination de tous les patients ;
Alerte la Haute Autorité de Santé sur l’urgence d’élaborer des recommandations étayées et actualisées à destination des médecins, et de mener une campagne de rappel des bonnes pratiques médicales concernant la prise en charge d’un nodule thyroïdien.
(1) Dossier disponible dans le Que Choisir Santé n°76 d’octobre 2013
(2) Chiffres Assurance maladie, Rapport charges et produits 2014, juillet 2013
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