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« Moins d’éclairage pour moins d’accidents » Est-ce bien raisonnable ?


Un débat national sur l’extinction des routes périurbaines est en train de naître en France suite à la décision prise par la Direction des routes d’Ile de France de ne plus éclairer 130 km d’autoroutes et voies rapides en région parisienne. Les principales raisons invoquées concernent la réduction des dépenses d’électricité de 40 %, et la baisse du
nombre d’accidents.
L’Association française de l’éclairage (AFE) propose son Point de vue sur ce sujet et apporte des éléments scientifiques contradictoires.

Constat : la route de nuit est dangereuse
Il y a autant de tués sur les routes de jour que de nuit, malgré un trafic nocturne quatre fois plus faible ; cette proportion restant la même malgré les mesures prises ces dernières années.
Parallèlement, le nombre d’accidents a particulièrement reculé en France, indépendamment de l’extinction des éclairages publics des routes ou de la rénovation de ces derniers sur certains tronçons.

Une volonté politique d’éteindre les routes périurbaines
Le Parisien, dans son édition du 10 mai 2010, rapporte dans un article très complet que, suite à des vols de câbles, plusieurs portions de routes périurbaines françaises ont été plongées dans l’obscurité depuis 2007.
Notamment l’A15, où aucune rénovation n’a été engagée faute du budget nécessaire. Cette absence d’éclairage, incitant les automobilistes à limiter leur vitesse, aurait permis de réduire le nombre d’accidents mortels,.

Des statistiques non exploitables
Pourtant, la multiplicité des paramètres accidentogènes et la forte évolution des conditions de conduite ces dernières années, liée à une politique de sécurité routière particulièrement efficace (diminution de l’ordre de 50 % du nombre de personnes tuées entre 2001 et 2008), ne permettent pas d’imputer directement à l’extinction de l’éclairage, ou à un autre facteur, les baisses d’accidents mortels constatés. D’une manière générale, il est impossible d’évaluer en site réel l’influence particulière de chacun des paramètres accidentogènes au travers de relevés statistiques qui ne concernent chaque fois qu’un très faible nombre d’accidents sur des distances très limitées et sur une période de forte évolution des comportements des automobilistes.

Des tests physiologiques indéniables
Pour identifier le réel impact de l’éclairage public sur le comportement des conducteurs, des tests en simulateur, avec et sans éclairage public, ont été réalisés durant 4 ans au Centre de physiologie appliquée (CNRS Strasbourg), dirigé par le Docteur MUZET.
Les résultats ont été ensuite comparés aux tests d’analyse du comportement du conducteur (hypovigilance et micro-sommeils) réalisés sous la conduite du Professeur KOBLENTZ, ancien Chef du laboratoire d’anthropologie de Paris, à la demande de SAPRR (société des autoroutes ParisRhinRhône).

Des conclusions scientifiques
1. L’éclairage des autoroutes n’entraîne pas d’augmentation de la vitesse moyenne des automobilistes (la vitesse moyenne est identique dans les deux situations). Ces résultats sont confirmés par l’étude de la DDE faite sur l’autoroute A13 à Rouen en 1995 – 96.
2. L’éclairage routier permet une visibilité sur une distance 3 à 4 fois supérieure à la distance d’arrêt d’un véhicule (qui varie en fonction de la vitesse). A 110 km/h, la distance d’arrêt est de 130 m alors que la visibilité avec feux de croisement seuls de nuit est de 40 à 50 m !
3. La meilleure visibilité en situation « éclairée » a favorisé des comportements d’anticipation (donc d’évitement) et a ainsi permis l’optimisation des trajectoires, notamment en cas d’obstacle sur la route : sous éclairage public, le conducteur peut se déporter 200 à 250 m plus tôt qu’en zone « non éclairée ».
4. De nuit, sans éclairage routier, le manque de visibilité oblige les conducteurs à ne se guider qu’avec le marquage au sol, ce qui réduit les réflexes nécessaires à la bonne appréhension de l’environnement routier et, sur autoroutes, augmente le risque de débordement sur la BAU (bande d’arrêt d’urgence).
5. L’éclairage public réduit, voire supprime, le phénomène d’éblouissement1 provoqué par les feux des autres véhicules ou les lumières environnant la voie.
6. Il permet également le rétablissement des repères spatiaux et en particulier la bonne évaluation des distances : l’éclairage embarqué ne permet que l’éclairage de l’axe longitudinal de circulation (risque de collision de face sur une ligne droite à double sens).
7. Enfin, la succession des points lumineux favorise le guidage optique de l’automobiliste et améliore les conditions de visibilité des personnes âgées notamment.

Si l’extinction des installations d’éclairage public est un facteur d’économies d’énergie, on peut s’interroger, au regard des résultats scientifiques évoqués ici, sur la réelle pertinence de ce choix politique.

Dans le cadre de la lutte contre les changements climatiques, on peut dire que l’éclairage urbain routier :
– dégage peu de CO2 : son fonctionnement de nuit, en heures creuses, fait appel à la production des centrales nucléaires pour environ 86 % du temps de fonctionnement ;
– offre la possibilité de faire jusqu’à 40 % d’économies sur les consommations actuelles en utilisant les techniques et technologies les plus adaptées (notamment les systèmes de gestion). Pour information, l’éclairage extérieur représente 1 % de la production total d’électricité ;
– de limiter voire de supprimer les nuisances lumineuses par la mise à disposition de nouvelles techniques.

Cette étude est détaillée dans le Point de vue de l’AFE n° 9, téléchargeable directement sur le site de l’AFE, ou en cliquant ici.
Vous retrouverez sur le site de l’AFE un Forum dédié à ce sujet : www.afe-eclairage.com.fr. Venez donner votre avis !

1 L’éblouissement est une cécité partielle ou totale dont la durée augmente avec l’âge et qui est de plus en plus importante en fonction de sa répétitivité.

Association française de l’éclairage – 17, rue de l’Amiral Hamelin – 75783 Paris cedex 16 Tel : 01 45 05 72 00