La procédure
Après plus de 3 ans de manœuvres dilatoires de la part de Ryanair, l’instruction a été close et l’audience de plaidoirie se tiendra en correctionnelle devant le Tribunal de Grande Instance d’Aix en Provence les 31 janvier et 1er février prochains.
Auparavant, dès 2005, le SCARA avait saisi les Pouvoirs Publics de l’irrégularité des comportements de la compagnie Ryanair, au regard du droit français auquel cette compagnie devait être soumise.
Ainsi, une enquête préliminaire était ouverte le 5 novembre 2009 par le Parquet d’Aix en Provence et confiée à l’OCLTI.
Les parties civiles qui comparaîtront contre Ryanair à l’audience sont les suivantes :
1 PNT ancien salarié, Monsieur FISCHER,
5 Organisations de salariés :
SNPL, l’UNAC/CGC, la CGT, FO et le SNPNC (récemment constitué)
3 organismes sociaux : l’URSSAF, Pôle emploi et la Caisse de retraite des personnels navigants
1 syndicat patronal : le SCARA
Les principaux actes
Ils comprennent notamment :
– le réquisitoire définitif du Procureur en date du 16 juillet 2012,
– l’ordonnance de renvoi devant le Tribunal correctionnel, signée par le Juge d’Instruction, le 20 août 2012,
– les nombreux procès verbaux de Gendarmerie,
– les PV de comparution de Ryanair, de Monsieur FISCHER (PNT), du SCARA, et de certaines parties civiles.
Les faits reprochés à Ryanair
Il y a sept chefs d’incrimination pénale, notamment :
travail dissimulé
prêt illicite de main d’œuvre
quatre délits d’entrave (fonctionnement du CE, délégués du personnel, exercice du droit syndical, CHSTC).
Les réponses de Ryanair
a. La position de Ryanair consiste notamment à dire :
– qu’elle ne dispose pas d’une base d’exploitation à Marseille.
– qu’elle ne dispose pas non plus d’un établissement secondaire en France,
– que les salariés reçoivent directement leurs instructions du siège et que Marseille n’est dotée d’aucun pouvoir de décision,
– que le contrat de travail est de droit irlandais et donc européen.
Par ailleurs, Ryanair ne revendique pas l’application du régime de détachement en France pour ses personnels. Ses personnels travaillent sur des avions immatriculés en Irlande et, du fait que la plupart de leur temps de travail est en vol, ils travaillent principalement sur le territoire Irlandais.
En conséquence, Ryanair revendique l’application de la loi du Pavillon et donc du droit irlandais.
Le SCARA conteste tous ces points dans ses écritures
a. En effet, la loi du Pavillon ne concerne exclusivement que le transport maritime alors que le droit aérien est assujetti au droit d’établissement.
b. En fait, il est clairement démontré que Ryanair dispose à Marseille d’une base d’affectation au sens du droit et de la jurisprudence européenne.
Il s’agit notamment du traité de Rome de 1980, du règlement européen n°1408/71, confirmé lui-même en matière de sécurité sociale par le règlement européen n°465/2012 du 28 juin 2012.
Sur ce même sujet, le jurisprudence de l’Union européenne (CJCE) du 30/11/95, arrêt GEBHARD est parfaitement explicite.
c. Mais surrtout, aux termes de la législation française et de la jurisprudence du Conseil d’Etat notamment, Ryanair dispose bien, à Marseille, d’une base d’exploitation.
En effet, c’est là que le personnel navigant prend et quitte son service, c’est là qu’il prend ses congés et c’est là qu’il est domicilié.
Les dispositions du Code du Travail et particulièrement de l’article L.1262-3 font référence expresse aux activités « réalisées ans des locaux ou infrastructures situés sur le territoire national à partir desquelles elles sont exercées de façon habituelle, stable et continue ».
Au surplus, par décret du 21 novembre 2006 – inspiré par le SCARA – la situation a été précisée en matière de transport aérien en ce qui concerne « les bases d’exploitation » c’est-à-dire « un ensemble de locaux et d’infrastructures à partir desquelles une entreprise exerce, de façon stable, habituelle et continue, une activité de transport aérien avec des salariés qui y ont le centre effectif de leur activité professionnelle ».
C’est donc le droit du travail français qui doit s’appliquer et non pas un droit du travail irlandais « aménagé » : 20 jours de congés annuels, période d’essai d’un an, pas d’indemnités de licenciement, pas de représentation syndicale, contrat en langue anglais exclusivement, frais de formation et d’uniforme à la charge du salarié, confidentialité absolue vis-à-vis de Ryanair, etc, etc…
La jurisprudence française récente
Elle confirme notre analyse de façon constante et univoque.
Il s’agit en particulier des condamnations suivantes :
Easy Jet :Tribunal correctionnel de Créteil : 9 avril 2010, confirmé par Cour d’appel de Paris 8 novembre 2011
Vueling Airlines : Cour d’Appel de Paris : 3 janvier 2012,
City Jet : Tribunal correctionnel de Bobigny : 13 mars 2012,
(suivi par la condamnation d’AF comme co-employeur et complice de City Jet devant le même tribunal en avril 2012)
Les autres contestations de Ryanair en France
– Décisions du Conseil d’Etat annulant les accords secrets et préférentiels entre Ryanair d’une part, la CCI et l’aéroport de Marseille-Provence d’autre part,
– Nombreuses condamnations de Ryanair pour non-respect de la réglementation européenne et française en matière de droit des passagers
– enquête de la Commission de l’UE contre la France du fait des subventions directes à Ryanair caractérisées d’aides d’Etat.
L’aspect emblématique d’une condamnation de Ryanair et du « système » Ryanair
(Voir PV d’audition de JB VALLE)
Les caractéristiques de Ryanair : chantage à l’emploi, subventions cachées, mauvaise foi patente, provocations, atteintes à l’image des compagnies du SCARA, pressions politiques, etc, etc…
Les risques de condamnation de Ryanair
Ces risques sont importants et les sommes réclamées considérables.
Aux amendes de plusieurs centaines de milliers d’euros qui seront réclamées par le Parquet, il faut ajouter les dommages et intérêts qui pourraient atteindre près de
5 millions d’euros pour les organismes sociaux, sans compter les sommes réclamées par les autres parties civiles.
Jean Baptiste VALLE
NB : Le SCARA sera représenté par Me Nathalie MICAULT du Barreau de Paris.
J’assisterai également aux audiences.