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Audit du coût de la filière nucléaire : un premier pas vers la transparence


Le 2 mai 2011, le WWF France a obtenu l’accord du Président de la République pour que ce dernier sollicite, par le biais du Premier ministre, la Cour des comptes pour réaliser un audit du coût réel de la filière nucléaire française.

Avec le soutien de l’association Ecologie Sans Frontières, nous avions rappelé que cet audit devait comprendre à la fois la recherche, la construction, l’exploitation et le démantèlement des centrales et la gestion des déchets.

Même si le résultat provoquera débat, cet audit marque un pas décisif vers une connaissance plus transparente du coût du choix électronucléaire à la collectivité nationale.

Le nucléaire a perdu son triple AAA énergétique attribué par ses défenseurs

L’intérêt de cet audit aura été de pointer l’opacité qui entoure le coût économique de l’énergie nucléaire pour la collectivité. Si l’on ajoute les sérieuses interrogations qui restent en suspens concernant la sécurité et la sûreté des installations, on découvre une énergie aux coûts non maîtrisés. Cette absence d’informations stabilisées est d’autant plus alarmante que l’EPR de Flamanville démontre l’inflation galopante de la charge financière d’un tel projet nucléaire. En effet, de réévaluations en retards, l’EPR a déjà augmenté sa facture de 25%. Plus grave encore, la lecture du rapport montre que le renforcement de la sûreté, le démantèlement et le stockage des déchets sont mal provisionnés par EDF, pourtant censé anticiper les charges afférentes au démantèlement et à la gestion des déchets comme cela est posé dans la loi du 28 juin 2006.

Notre souveraineté énergétique passe par une inflexion majeure dans les choix établis.

La plupart des scenarii énergétiques montre qu’il est possible de diviser par 4 les émissions de GES d’ici 2050 tout en limitant la part du nucléaire, voire en l’écartant au fur et à mesure de l’arrivée en fin de vie des réacteurs.

Pour cela, il est nécessaire de réorienter la politique énergétique vers le triptyque sobriété/efficacité/énergie renouvelable, seules pistes capables d’augmenter notre indépendance énergétique tout en créant de l’emploi et en jugulant la précarité énergétique. Ces pistes sont d’ailleurs déjà inscrites dans la loi : « obligation est faite à la France de produire 23 % de son énergie par des sources renouvelables d’ici 2020 ». Or, il est bon de rappeler que notre pays n’a que l’embarras du choix entre le solaire, l’éolien, la géothermie, la biomasse et demain, les énergies marines.

De plus, la simple application des lois Grenelle (concernant en particulier la réglementation thermique des bâtiments) et de la directive Efficacité énergétique 2006 – revue à la hausse dans les prochains mois – se traduira inéluctablement par une réduction des consommations électriques dans notre pays, induisant la fermeture obligatoire de plusieurs réacteurs nucléaires dans les prochaines années. C’est une perspective que les opérateurs n’ignorent évidemment pas.

Enfin, l’étranglement de la rigueur budgétaire plaide évidemment pour une orientation vers des mesures aux coûts plus faibles et à l’impact positif plus important, notamment sur la balance commerciale. La sobriété énergétique prendra alors tout son sens. Réduire les consommations sans réduire le confort et la compétitivité, c’est automatiser l’éclairage et le chauffage en fonction des conditions, c’est diminuer les vitesses maximales autorisées sur routes, c’est « lutter contre le gaspi » en appliquant des mesures acceptées lors du choc pétrolier de 1973 et oubliées depuis.

Un exercice imparfait mais nécessaire pour préparer un débat public serein sur l’avenir énergétique du pays.

Contrairement aux conclusions que s’apprête à rendre début février la commission Energie 2050, mise en place par E. Besson, l’avenir énergétique français n’est pas forcément nucléaire. Que les lobbies le souhaitent, c’est une chose. Qu’ils étayent leurs points de vue à grand renfort de modélisation économique, c’est de bonne guerre. Qu’ils cherchent à étouffer le débat et à imposer le prolongement des centrales nucléaires comme principal horizon visible, c’est, 10 mois après le drame de Fukushima, dénier le droit des populations, connaître les risques qu’ils encourent et à choisir leur modèle énergétique.

Cet audit de la Cour des comptes démontre la nécessité d’améliorer la transparence concernant les coûts des options énergétiques entreprises et interroge fortement le bien fondé de la stratégie énergétique nationale. Il conviendra donc au futur Président de la République de prendre ses responsabilités devant les générations futures en créant les conditions nécessaires à un débat public serein et éclairé sur l’avenir énergétique de notre pays.