Une équipe européenne menée par des chercheurs de l’Institut Fresnel (CNRS/Universités Aix-Marseille 1 et 3/Ecole centrale de Marseille) et de l’ESRF (European Synchrotron Radiation Facility) à Grenoble vient de mettre au point une nouvelle technique permettant de voir la structure nanométrique, jusque-là inaccessible, des matériaux cristallins (1). Grâce à un faisceau microscopique de rayons X, cette technologie révèle en 3D et en haute résolution des plages très étendues de l’échantillon analysé. De quoi révolutionner la recherche dans diverses disciplines où l’on étudie des structures cristallines complexes, comme les sciences du vivant ou la microélectronique. Cette méthode fait l’objet d’une publication dans la revue Nature Communications du mardi 29 novembre.
Jusqu’ici, il existait deux techniques pour analyser de près les matériaux cristallins contenant des imperfections, avec chacune leurs limites. D’un côté, la « diffraction des rayons X » classique (2), qui permet d’acquérir, en 2D et sans abîmer l’échantillon, des informations sur les défauts de régularité dans l’échantillon, mais avec une résolution limitée de l’ordre du micromètre (10-6 m). Et de l’autre côté, la microscopie électronique en transmission (MET) dotée d’une bien meilleure résolution (10-10 m), fournissant une « vraie » image du cristal, mais destructive.
La technique développée par Virginie Chamard, chercheur CNRS à l’institut Fresnel et ses collègues surmonte les limitations de ces deux méthodes en cumulant leurs avantages : elle produit des images 3D haute résolution – de quelques dizaines de nanomètres (10-9 m) -, sans détruire l’échantillon, et apporte autant d’informations que la diffraction classique des rayons X. De plus, elle permet d’analyser des régions très étendues, potentiellement infinies. Concrètement, cette nouvelle technique consiste à focaliser, sur l’échantillon à analyser, un faisceau de rayons X microscopique, produit par un synchrotron (3). Dans ces travaux, les chercheurs ont utilisé le synchrotron européen (ESRF) de Grenoble. Pendant que le faisceau balaie l’échantillon, un détecteur capte l’intensité des rayons X « diffractés » (déviés) par l’échantillon et permet, ainsi, d’acquérir une série de « clichés de diffraction ». Ceux-ci sont ensuite traités par un algorithme, qui produit une image 3D de l’ensemble de l’échantillon avec des détails plus petits que la largeur du faisceau.
Les bases de cette technique dite « ptychographie » ont été imaginées en 1969 par le physicien allemand Walter Hoppe. Celui-ci y songea dans un autre but : améliorer la résolution du microscope électronique. Virginie Chamard et son équipe ont dû les adapter à l’imagerie des cristaux. Un travail qui a nécessité trois ans.
Mettre au point un tel procédé était crucial pour relever plusieurs grands défis tant scientifiques que technologiques comme par exemple comprendre la croissance des coquillages, contrôler les propriétés optiques des semi-conducteurs ou améliorer les performances électriques des métaux (les coquillages, les semi-conducteurs et les métaux étant des matériaux cristallins complexes).
(1) Matériaux formés d’un arrangement d’atomes ou de molécules répétitif dans les trois directions de l’espace.
(2) Technique qui mesure l’intensité d’un faisceau de rayons X dévié par l’échantillon.
(3) Source de rayons X extrêmement brillants, produit par des électrons circulant dans un accélérateur à haute énergie.
Chercheur CNRS l Virginie Chamard l T 04 91 28 28 37 l virginie.chamard@fresnel.fr