Le Congrès uruguayen a adopté jeudi 27 octobre une loi qui marque un tournant important vers la justice pour les nombreuses victimes des violations flagrantes des droits humains commises sous le gouvernement militaire dans le pays, a déclaré Amnesty International.
La nouvelle loi annule les effets de la Loi d’amnistie de 1986 (aussi appelée Loi de prescription), qui exemptait de toute poursuite les membres de la police et de l’armée responsables de violations des droits humains et abroge le délai de prescription qui aurait empêché les victimes de porter plainte au pénal à partir du 1er novembre.
« En adoptant ce nouveau texte de loi, le Congrès uruguayen prend une mesure historique en faveur de la lutte contre l’impunité pour les crimes du passé », a indiqué Guadalupe Marengo, directrice adjointe du programme Amériques d’Amnesty International.
Amnesty International avait appelé à maintes reprises les autorités uruguayennes à abroger la Loi de prescription, qui interdisait toute poursuite contre les personnes accusées d’actes de torture, d’homicides, de disparitions forcées et d’autres graves crimes relatifs aux droits humains commis entre 1973 et 1985, avant le retour au régime démocratique.
En février, la Cour interaméricaine des droits de l’homme a statué que l’Uruguay devait garantir que la Loi de prescription ne représente pas un obstacle dans le cadre des enquêtes sur les crimes commis par le passé et des mises en accusation concernant les auteurs présumés des graves violations des droits fondamentaux qui ont eu lieu. Elle a également enjoint à l’État de n’appliquer aucune autre loi analogue qui limiterait la responsabilité.
« Grâce à cette décision du Congrès, l’Uruguay se conforme aux obligations qui lui incombent au titre du droit international et met partiellement en œuvre le jugement rendu par la Cour interaméricaine des droits de l’homme. Tous les responsables présumés de crimes contre l’humanité commis par le passé doivent désormais être déférés à la justice », a conclu Guadalupe Marengo.
Complément d’information
Aux termes de la Loi de prescription de 1986 (Ley de Caducidad de la Pretensión Punitiva del Estado), adoptée lorsque l’Uruguay est revenu à un régime démocratique, le président décidait en dernière instance des affaires de violations des droits humains devant être instruites. Cette Loi interdisait de poursuivre en justice les policiers et les militaires pour les actes de torture, les homicides, les disparitions forcées et les autres graves atteintes aux droits humains commis jusqu’en 1985, ce qui couvre les 11 années de régime autoritaire.
En mai, une tentative visant à annuler les effets de la Loi de prescription a été rejetée de justesse au Congrès et la loi a été confirmée par référendum à deux reprises, en 1989 et 2009.
En mai également, la Cour suprême uruguayenne a estimé que deux anciens gradés militaires ne pouvaient être tenus pour responsables de disparitions forcées, au motif que celles-ci n’ont été érigées en infraction dans le pays qu’en 2006 et que la loi correspondante n’est pas rétroactive. Ces anciens militaires ont été déclarés coupables d’« homicide avec circonstances aggravantes », un crime de droit commun.
Dans les faits, considérer que les graves violations des droits humains perpétrées en Uruguay sous les régimes civils et militaires des années 1970 et 1980 sont des crimes de droit commun et non pas des crimes contre l’humanité signifiait que le délai de prescription s’appliquait – et aurait expiré le 1er novembre. La nouvelle loi annule la prescription.