L’échange du soldat israélien Gilad Shalit contre 477 prisonniers politiques palestiniens met en avant la nécessité de traiter avec humanité tous les détenus, que ce soit en Israël ou dans les territoires palestiniens occupés, a déclaré Amnesty International mardi 18 octobre.
« Cet accord apportera un grand soulagement à Gilad Shalit et à sa famille, après cette épreuve ayant duré plus de cinq ans. De nombreuses familles palestiniennes ressentiront la même chose lorsqu’elles retrouveront d’ici peu leurs proches, dont beaucoup ont passé des décennies en détention dans des conditions éprouvantes en Israël », a résumé Malcolm Smart, directeur du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord d’Amnesty International.
« Il faut toutefois en faire plus pour protéger les droits de milliers d’autres personnes se trouvant toujours en détention. Les autorités israéliennes, le gouvernement de facto du Hamas dans la bande de Gaza et l’Autorité palestinienne en Cisjordanie doivent saisir l’occasion qui leur est donnée de veiller au respect des droits de tous les prisonniers et détenus se trouvant sous leur responsabilité. »
Gilad Shalit a été capturé par des groupes armés palestiniens de la bande de Gaza lors d’une attaque menée de l’autre côté de la frontière le 25 juin 2006. Il n’a depuis lors pu établir aucun contact avec sa famille, qui n’a cessé de se battre afin qu’il soit relâché. Il n’a pas non plus été autorisé à recevoir la visite du Comité international de la Croix-Rouge, malgré les demandes répétées formulées par Amnesty International et d’autres organisations en ce sens. Ses conditions de captivité n’ont donc pas pu être examinées.
Amnesty International a exhorté à de nombreuses reprises les autorités du Hamas à ne pas traiter Gilad Shalit comme un otage et à ne pas se servir de lui comme monnaie d’échange, ce qui constitue une atteinte à leurs obligations aux termes du droit international humanitaire.
L’organisation a par ailleurs régulièrement fait part aux autorités israéliennes de sa préoccupation concernant les conditions de vie des détenus palestiniens et l’incarcération en Israël de Palestiniens originaires des territoires occupés, en violation des obligations d’Israël en vertu de la Quatrième Convention de Genève.
Plus de 5 200 Palestiniens de Cisjordanie – y compris de Jérusalem-Est – et de la bande de Gaza, zones composant les territoires palestiniens occupés, sont actuellement incarcérés dans des établissements gérés par le service pénitentiaire d’Israël. La grande majorité d’entre eux sont détenus en Israël.
« Les normes internationales en matière de droits humains et le droit international humanitaire disposent que toute personne privée de liberté a droit à des conditions de détention humaines et dignes, à des soins de santé adaptés et à des visites régulières de la part de sa famille », a ajouté Malcolm Smart.
« Israël, le gouvernement de facto du Hamas et l’Autorité palestinienne doivent faire en sorte que tous les détenus bénéficient dans les meilleurs délais de procès équitables conformes aux normes internationales, et que les décisions de justice ordonnant la libération de détenus soient appliquées. »
Depuis le 27 septembre, des centaines de détenus palestiniens font une grève de la faim afin de protester contre de récentes sanctions imposées par les autorités israéliennes.
Ils demandent que le service pénitentiaire israélien mette fin aux mesures arbitraires d’isolement de prisonniers et les autorise à recevoir régulièrement la visite de leur famille.
Le fait qu’ils soient détenus sur le territoire israélien compromet, voire empêche les visites de leurs proches, les autorités israéliennes refusant souvent d’accorder à ces derniers une autorisation de déplacement. Israël a suspendu les visites pour tous les détenus originaires de la bande de Gaza en juin 2007, mesure punitive pénalisant à la fois les détenus et leur famille.
Les 477 prisonniers libérés par Israël mardi 18 octobre, parmi lesquels 450 hommes et 27 femmes, incluent 275 personnes condamnées par des tribunaux militaires israéliens à une ou plusieurs peines de réclusion à perpétuité. Figurent parmi les détenus libérés des personnes déclarées coupables d’avoir commandité ou perpétré des attaques ayant fait des victimes parmi les civils israéliens.
Lundi 17 octobre, la Haute Cour de justice israélienne a rejeté des recours formés contre ces libérations par des familles et organisations israéliennes opposées à cet accord.
D’ici deux mois, 550 autres prisonniers, qui n’ont pas encore été identifiés, seront remis en liberté lors de la seconde phase de l’accord.
Deux cent dix-sept des détenus libérés mardi 18 octobre rentreront sans aucune restriction chez eux dans la bande de Gaza, en Israël ou en Cisjordanie occupée, y compris à Jérusalem-Est.
Cinquante-cinq prisonniers retourneront chez eux à Jérusalem-Est ou dans d’autres zones de Cisjordanie dans le cadre d’un « accord de sécurité » aux termes duquel leurs mouvements seront limités et ils devront se soumettre à un suivi régulier effectué par les autorités israéliennes.
Cent soixante-quatre autres Cisjordaniens – y compris de Jérusalem-Est – seront transférés dans la bande de Gaza. D’après le service pénitentiaire israélien, 18 d’entre eux y resteront trois ans ; on ignore si ou quand les 146 autres seront autorisés à retourner auprès de leur famille.
Si la Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est, et la bande de Gaza sont internationalement reconnues comme une seule unité territoriale au titre des accords d’Oslo et du droit international humanitaire, les autorités israéliennes ne permettent pas aux Palestiniens vivant dans la bande de Gaza de se rendre en Cisjordanie et vice-versa. Ces Palestiniens seront donc complètement coupés de leur famille, sans pouvoir recevoir de visite.
Enfin, 41 détenus, dont une femme, seront exilés à l’étranger. La plupart d’entre eux purgent une peine de réclusion à perpétuité.
On ignore si leur exil sera permanent ou s’ils seront autorisés à retourner chez eux dans les territoires palestiniens occupés dans le futur.
L’article 49 de la Quatrième Convention de Genève interdit à toute puissance occupante de transférer de force ou de déporter des personnes hors d’un territoire occupé. Si ces prisonniers exilés à l’étranger ou transférés vers la bande de Gaza depuis la Cisjordanie occupée, y compris depuis Jérusalem-Est, n’ont pas donné leur accord, Israël violerait ses obligations aux termes du droit international humanitaire.