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L’atmosphère de Mars sursaturée en vapeur d’eau


L’analyse des données recueillies par le satellite Mars Express de l’ESA, est formelle : l’atmosphère de la planète Mars contient de la vapeur d’eau en état de sursaturation. Cette découverte surprenante va permettre aux scientifiques de mieux comprendre le cycle de l’eau sur Mars ainsi que l’évolution de l’atmosphère de la planète rouge. Menée par une équipe du Laboratoire Atmosphères, milieux, observations spatiales (LATMOS, CNRS / UPMC / UVSQ), en collaboration avec des collègues russes et français (1), cette étude a bénéficié du soutien du CNES. Elle est publiée dans la revue Science le 30 septembre 2011.

Sur Terre, la vapeur d’eau tend à se condenser – c’est-à-dire à devenir liquide – quand la température descend en-dessous du « point de condensation ». On parle d’une atmosphère « saturée » car elle ne peut contenir plus d’humidité à cette température et à cette pression. L’excédent de vapeur d’eau se condense alors autour de particules et de poussières en suspension pour former des précipitations. Cependant, il arrive que la condensation soit fortement ralentie, notamment quand particules et poussières sont trop rares. Incapable de se condenser, la vapeur d’eau en excès reste alors sous forme gazeuse : c’est ce qu’on appelle la « sursaturation ». Jusqu’à présent, on supposait qu’un tel phénomène ne pouvait exister dans l’atmosphère martienne, sans toutefois pouvoir le prouver.

En effet, si plusieurs sondes ont visité Mars depuis les années 70, la plupart de leurs instruments se sont concentrés sur les données de surface : ils ont appréhendé l’atmosphère martienne uniquement dans sa composante horizontale. La question de la concentration en eau en fonction de l’altitude restait donc quasi inexplorée pour Mars. Les relevés effectués par le spectromètre SPICAM (2) embarqué à bord du satellite Mars Express ont aujourd’hui permis de combler cette lacune. En effet, SPICAM peut établir des profils verticaux de l’atmosphère par occultation solaire, c’est-à-dire en scrutant la lumière du Soleil qui traverse l’atmosphère de la planète durant son lever et son coucher.

Contrairement à ce qui était établi, les chercheurs ont découvert que la sursaturation en vapeur d’eau est un phénomène fréquent sur Mars. Ils ont même relevé dans l’atmosphère martienne des niveaux de sursaturation très élevés, jusqu’à plus de dix fois supérieurs à ceux rencontrés sur Terre. « Cette capacité de la vapeur d’eau à subsister en état de forte sursaturation permettrait, par exemple, d’alimenter l’hémisphère Sud de Mars en eau bien plus efficacement que ne le prédisent les modèles actuellement », précise Franck Montmessin, chercheur CNRS au LATMOS et responsable scientifique de SPICAM (3). De plus, une quantité de vapeur d’eau, bien plus importante qu’estimée jusqu’alors, pourrait être transportée assez haut dans l’atmosphère pour y être détruite par photodissociation (4). Ce phénomène, s’il se confirme, aurait des conséquences sur la problématique de l’eau martienne, dont on sait qu’une fraction notable s’échappe continuellement vers l’espace depuis des milliards d’années, expliquant en partie la faible abondance actuelle d’eau sur la planète « rouge » (5).

La distribution verticale de vapeur d’eau est un facteur clé dans l’étude du cycle hydrologique de Mars. L’hypothèse selon laquelle la quantité d’eau dans l’atmosphère martienne est limitée par le phénomène de saturation doit donc être entièrement révisée. Cette découverte a des implications majeures sur la compréhension du climat de la planète rouge ainsi que sur celle du transport de l’eau sur Mars.

(1) François Forget, chercheur CNRS au Laboratoire de météorologie dynamique (LMD, CNRS/ENS Paris/UPMC/Ecole Polytechnique) a participé à ces travaux. Son laboratoire ainsi que le LATMOS font partie de l’Institut Pierre-Simon Laplace.
(2) Cet instrument est un double spectromètre ultraviolet et proche infrarouge, conçu et réalisé par trois laboratoires (le LATMOS, l’Institut d’aéronomie spatiale à Bruxelles et le Space research institute ou IKI à Moscou), avec le soutien financier du CNES.
(3) Luca Maltagliati, premier auteur de cette étude, a bénéficié d’une bourse CNES au cours de son post-doctorat effectué au LATMOS.
(4) Le rayonnement solaire, en cassant les molécules d’eau, libère les atomes d’oxygène et d’hydrogène qui sont alors suffisamment légers pour ensuite s’échapper vers l’espace interplanétaire.
(5) Sur Terre la quantité d’eau est estimée à une épaisseur équivalente de 3 kilomètres d’eau liquide répartie sur toute la surface. Les estimations sur Mars sont très inférieures mais la quantité d’eau dans le sous-sol reste encore très mal connue.

Chercheur CNRS l Franck Montmessin l T 01 80 28 52 85 l franck.montmessin@latmos.ipsl.fr