Qui ne s’est jamais imaginé tout plaquer par amour ? Changer radicalement de vie, tout quitter (ou presque) du jour au lendemain, dire au revoir au passé et embrasser un avenir prometteur en même temps que sa moitié… Fantasme inaccessible, choix assumé ou sacrifice nécessaire, cette promesse d’un nouveau départ laisse les Français partagés. C’est ce que révèle l’enquête OpinionWay, réalisée pour l’Observatoire Meetic en août dernier. Pour mieux comprendre ce qui motive les Français, la psychanalyste Sophie Cadalen et le sociologue Ronan Chastellier décodent leur attitude sur ce sujet.
Plus d’un tiers des Français prêts à tout plaquer
• L’amour donne-t-il vraiment des ailes ? Il semble que ce soit le cas pour 37 % des Français, qui ont répondu par l’affirmative à la question “Seriez-vous prêt à tout plaquer pour vivre une histoire d’amour ?”.
« Les Français auraient donc ce côté “prêts à tout plaquer”. Répondre au désir de s’abandonner à l’aléatoire et d’aller au-devant du hasard c’est, pour les uns, une régénération spirituelle, une façon de vivre dans l’excès, et pour les autres, plus conservateurs, un geste inconsidéré, de l’inconscience », commente le sociologue Ronan Chastellier.
Les femmes et les jeunes d’abord !
• Sur ce sujet, les femmes se montrent plus téméraires (41 %) que les hommes (32 %).
Pour la psychanalyste Sophie Cadalen, tout plaquer par amour serait « un sacrifice que les femmes semblent prêtes à accepter davantage que les hommes, ce qui s’explique par un long conditionnement : on n’est pas encore sorti de la triade femme-mère-sacrifice obligé ».
• La réponse varie également en fonction de l’âge des personnes interrogées et, on peut le supposer, du fait qu’elles soient “installées” dans leur vie ou non. Ainsi, pour Ronan Chastellier : « Globalement, on est davantage prêt à “tout plaquer par amour” quand on a entre 18 et 24 ans (55 %) ou entre 25 et 34 ans (52 %) et qu’on est plus insouciant, qu’après 35 ans (37 %), où l’on se sent plus responsable. »
Les hommes plus attachés à leur travail que les femmes
En détail, quels sont ces sacrifices que les Français sont prêts à faire par amour ?
• En premier lieu, ils se sentent capables d’abandonner leur quartier (66 %) ainsi que la vie citadine (53 %).
• Vient ensuite le travail (41 % et jusqu’à 58 % pour les 25-34 ans), une réponse plus courante chez ces dames (46 %) que chez ces messieurs (35 %).
• Enfin, est citée la proximité avec ses amis (40 %) et sa famille (34 %), cette dernière étant plus chère aux femmes (30 % pourraient s’en éloigner contre 39 % des hommes interrogés).
D’après Ronan Chastellier : « D’abord, il y a l’arrachement à un lieu familier, puis s’extraire du mode de vie urbain : on a l’impression que “tout plaquer par amour” s’apparente à une échappée vers la nature. »
De son côté, Sophie Cadalen estime que : « Le lieu qu’il est difficile de quitter est davantage un lieu affectif, psychique, qu’un lieu géographique : on quitte plus facilement un quartier que son travail ou ses amis. De plus, les hommes se révèlent bien plus attachés à leur travail que les femmes qui, elles, décidément, continuent de se poser comme les gardiennes du foyer au sens plus large du terme. »
L’argent, l’argument qui compte
• Quand on leur demande : “Excepté l’amour, qu’est-ce qui serait susceptible de vous faire tout plaquer ?”, une grande majorité des personnes interrogées répondent “gagner au loto ou une forte somme d’argent” (73 % et jusqu’à 81 % chez les 35-49 ans).
Preuve s’il en est que si l’argent ne fait pas le bonheur, il y contribue et offre une raison de plus de changer de vie, comme le remarque Sophie Cadalen : « Gagner au loto justifierait largement de tout quitter : ce qui confirme l’aspect sacrificiel de cette décision, perçue d’abord comme un coût. Ce sont surtout les actifs (les 35-49 ans) les plus immergés dans la vie professionnelle, qui réclament de l’argent pour oser bouger. »
• Autre motivation, “l’envie de changer de vie et passer de la vie urbaine à la vie campagnarde” séduit 34 % des sondés.
• Sans oublier “un nouveau travail”, qui convaincrait 27 % d’entre eux, voire 63 % des 18-24 ans.
Voici donc la trilogie qui pourrait pousser les Français à sauter le pas, selon Ronan Chastellier : « Le loto, l’argent offrent, dans l’esprit des Français, la chance d’un nouveau départ. Puis, se mettre au vert, c’est l’idée d’un changement radical de mode de vie, d’un désapprentissage de la vie urbaine. Et, en troisième position, le travail, qui est la raison rationnelle par excellence : la mobilité professionnelle. »
L’amour 2.0 !
• Dernier point abordé par l’enquête : “La distance, dans une relation amoureuse, renforce-t-elle l’intensité de l’amour ou tue-t-elle la relation ?” Les sondés sont 43 % à pencher pour la première proposition, contre 56 % pour la seconde, chiffre qui atteint 62 % chez les célibataires. Une fois de plus, l’âge joue, 52 % des 18-24 ans pensant que la distance renforce l’intensité de l’amour, face à seulement 39 % des 50-64 ans.
• À la question “Diriez-vous que les outils de communication actuels (mails, SMS, chat, chat vidéo…) permettent de maintenir une relation amoureuse malgré la distance ?”, une majorité de Français répondent par l’affirmative, soit 58 %.
Ainsi, Ronan Chastellier souligne « un jeu présence/absence intéressant en amour avec les nouveaux objets communicants. Avant Internet et les nouvelles technologies, les pastorales, les romans de chevalerie s’emplissaient de cette longue plainte. Séparation, éloignement et absence “pathétisent” le sentiment amoureux et attisent l’ardeur romanesque. »
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