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Plus vite que la lumière ?


Des neutrinos qui vont plus vite que la lumière ? C’est ce que que semblent indiquer les mesures effectuées par une équipe de chercheurs menée par Dario Autiero, chercheur du CNRS, dans le cadre de l’expérience internationale OPERA. Ce résultat étonnant sera publié vendredi 23 septembre 2011 à 2h (heure de Paris) sur ArXiv et présenté ce même jour à 16h lors d’un séminaire au CERN, à Genève, retransmis en ligne.

Avec la théorie de la relativité restreinte énoncée en 1905, Einstein avait notamment prouvé que rien ne pouvait dépasser la vitesse de la lumière dans le vide. Pourtant, plus d’un siècle après, au terme de trois années de mesures de très haute précision et d’analyses complexes, l’expérience OPERA(1) fait état d’un résultat totalement inattendu : les neutrinos arrivent au Gran Sasso avec une petite mais significative avance par rapport au temps que la lumière aurait pris pour faire le même parcours dans le vide.

L’expérience OPERA est dédiée à l’observation d’un faisceau de neutrinos produit par les accélérateurs du CERN à Genève et détecté 730 km plus loin depuis le laboratoire sous-terrain de Gran Sasso en Italie. Cette distance, la lumière la parcourt en 2,4 millisecondes. Pourtant, l’expérience OPERA a pu mesurer des neutrinos arrivant à Gran Sasso 60 nanosecondes plus tôt. Autrement dit, sur une « course de fond » de 730 km, les neutrinos franchissent la ligne d’arrivée avec 20 mètres d’avance sur des photons hypothétiques qui auraient parcouru la même distance.

« Nous avons mis en place un dispositif entre le CERN et le Gran Sasso nous permettant une synchronisation au niveau de la nanoseconde et mesuré la distance entre les deux sites à 20 centimètres près. Ces mesures présentent de faibles incertitudes et une statistique telle que nous accordons une grande confiance à nos résultats », explique Dario Autiero, chercheur du CNRS à l’Institut de physique nucléaire de Lyon (IPNL). « Nous avons donc hâte de confronter nos mesures avec celles en provenance d’autres expériences, car rien dans nos données ne permet d’expliquer pourquoi nous semblons observer des neutrinos en excès de vitesse. » Ces résultats reposent sur l’observation de plus de 15000 neutrinos.

« Ce résultat est totalement inattendu », affirme Antonio Ereditato, de l’Université de Berne et porte-parole de l’expérience OPERA. « De longs mois de recherche et de vérifications ne nous ont pas permis d’identifier un effet instrumental expliquant le résultat de nos mesures. Si les chercheurs participant à l’expérience OPERA vont poursuivre leurs travaux, ils sont impatients de comparer leurs résultats avec d’autres expériences de manière à pleinement évaluer la nature de cette observation ».

Jusqu’ici, la vitesse de la lumière a toujours été considérée comme une limite infranchissable. Si ce n’était pas le cas, cela pourrait ouvrir des perspectives théoriques complètement nouvelles. Compte tenu de l’énorme impact qu’un tel résultat pourrait donc avoir pour la physique, des mesures indépendantes s’avèrent nécessaires afin que l’effet observé puisse être réfuté ou bien formellement établi. C’est pourquoi les chercheurs de la collaboration OPERA ont souhaité ouvrir ce résultat à un examen plus large de la part de la communauté des physiciens.

L’expérience OPERA a été inaugurée en 2006 afin d’étudier les rares transformations (oscillations) des neutrinos du muon en neutrinos du tau. Une de ces oscillations a été observée en 2010, témoignant de la capacité unique de cette expérience en matière de détection des signaux quasi insaisissables des neutrinos tau.

Quatre laboratoires du CNRS sont impliqués dans l’expérience OPERA :
– l’Institut de physique nucléaire de Lyon (CNRS/Université Claude Bernard-Lyon 1),
– l’Institut pluridisciplinaire Hubert Curien (CNRS/Université de Strasbourg),
– le Laboratoire de l’accélérateur linéaire (CNRS/Université Paris-Sud 11) qui a participé jusqu’en 2005,
– le Laboratoire d’Annecy le Vieux de physique des particules (CNRS/Université de Savoie).

(1)Le détecteur OPERA a été conçu et utilisé par une équipe de chercheurs basés en Allemagne, Belgique, Corée, Croatie, France, Israël, Italie, Japon, Russie, Suisse et Turquie. Cette expérience représente une entreprise scientifique complexe, menée à bien grâce à l’expertise d’un grand nombre de scientifiques, ingénieurs, techniciens et étudiants, et à la forte implication des différents acteurs de ce projet. Il convient notamment de mentionner le LNGS/INFN et les laboratoires du CERN, ainsi que l’important soutien financier de l’Italie et du Japon et les contributions non négligeables de l’Allemagne, de la Belgique, de la France et de la Suisse. Cette coopération scientifique réunit actuellement quelque 160 chercheurs de 30 institutions différentes à travers 11 pays.

Contacts :
Presse CNRS l Julien Guillaume l T. 06 75 74 02 22 l julien.guillaume@cnrs-dir.fr