Transformer des cellules de peau de souris en cellules souches avec une efficacité réelle multipliée par plus de 100. Une équipe de recherche de l’Institut de génétique humaine de Montpellier du CNRS, à laquelle ont collaboré des chercheurs de l’INRA(1), vient d’y parvenir en couplant deux techniques : l’injection de quatre gènes bien spécifiques dans le noyau des cellules de peau de souris puis leur incubation dans un extrait d’œufs de grenouille Xénope(2). Ces résultats confirment l’intérêt des cellules souches issues de cellules différenciées pour réaliser des autogreffes et ouvrent des perspectives thérapeutiques intéressantes en termes de médecine régénératrice. Ils viennent d’être publiés dans les PNAS.
En 2006, des chercheurs japonais ont fait une avancée spectaculaire : ils sont parvenus à déprogrammer des cellules différenciées de souris en cellules souches en injectant un cocktail de quatre gènes. Cependant, la production de ces cellules souches dites induites (iPS) reste peu efficace et leur déprogrammation loin d’être totale.
»Comme pour un ordinateur, si l’on veut repartir à zéro, l’idéal est de désinstaller entièrement le système avant d’en installer un nouveau », explique Marcel Méchali, directeur de recherche à l’Institut de génétique humaine de Montpellier du CNRS et membre de l’Académie des sciences. Son équipe a réussi à multiplier l’obtention de ces cellules souches iPS par un facteur de plus de 100. Pour cela, Olivier Ganier chercheur au sein de cette équipe, a fait pénétrer dans des cellules de peau de souris le cocktail de quatre gènes mais aussi des extraits d’œufs de Xénope, une grenouille africaine bien connue des chercheurs. L’intérêt de ces œufs d’amphibiens réside dans la facilité à en obtenir de grandes quantités, au contraire des ovocytes de mammifères. Avec ces deux traitements, le noyau est doublement déprogrammé, même si ce n’est pas encore total. Autre avantage : l’extrait a permis de déprogrammer d’autres voies que, seul, le cocktail de gènes ne permet pas encore. Reste maintenant à identifier les composants présents dans les extraits d’œufs capables d’effacer l’identité des cellules différenciées.
Les scientifiques ont également testé les propriétés de reprogrammation de ces cellules iPS »doublement déprogrammées ». Ils ont injecté dans des embryons de souris blanches des cellules iPS »doublement déprogrammées » provenant de souris noires. Des individus au pelage métissé ont été obtenus, prouvant que ces cellules iPS se sont différenciées en cellules de la peau. Ces chimères(3) ont par la suite donné naissance à des souriceaux entièrement blancs mais aussi entièrement noirs démontrant ainsi que certains noyaux des cellules iPS »doublement déprogrammées » se sont aussi différenciés en noyaux de cellules sexuelles.
Ces travaux confirment les potentialités des cellules iPS dans le domaine de la médecine régénératrice. Capables de se redifférencier dans n’importe quelle voie tissulaire, les cellules iPS pourraient demain permettre le remplacement des cellules malades ou détruites par une greffe de cellules du patient et reconstruire ainsi un organe ou tissu lésé par une maladie ou un accident, sans problème de rejet.
(1)Cette étude a été menée par des chercheurs de l’Institut de Génétique Humaine du CNRS, du laboratoire de biologie du développement et reproduction de l’INRA et l’Institut de génétique moléculaire de Montpellier (CNRS/Universités Montpellier 1 et 2).
(2)Le Xénope est un des systèmes modèles les plus connus en biologie pour des études de développement embryonnaire et des études des mécanismes de duplication de l’ADN et du cycle cellulaire.
(3)Chimère : organisme porteur de deux ou plusieurs génotypes différents.
Contacts :
Chercheur CNRS l Marcel Méchali l T. 04 34 35 99 17 l marcel.mechali@igh.cnrs.fr