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L’étoile la plus primitive de notre galaxie se joue des théories astrophysiques


Une équipe européenne incluant neuf chercheurs de l’Observatoire de Paris et du CNRS a découvert à 4 000 années-lumière de distance, au cœur de la constellation du Lion, l’étoile la plus primitive connue à ce jour. Cette naine SDSS J102915+172927 située dans notre galaxie, la Voie lactée, a été observée à l’aide du Very Large Telescope de l’ESO. Un peu moins massive qu’un soleil et probablement âgée de plus de 13 milliards d’années, elle se distingue par sa très faible teneur en éléments chimiques lourds, synthétisés après le big bang. Des données qui bousculent les modèles théoriques et les scénarios astrophysiques consacrés. Ces résultats sont publiés le 1er septembre 2011 dans la revue Nature.

La traque aux étoiles primordiales est un sujet astrophysique très ancien. Au sein de l’Observatoire de Paris, une équipe de spécialistes de la composition chimique des étoiles se consacre depuis une dizaine d’années à cette question d’importance pour mieux comprendre comment notre galaxie, la Voie lactée, s’est formée et a évolué. Les modèles les plus communément admis tendent à considérer que les toutes premières étoiles de l’Univers étaient hypermassives et ont rapidement explosé en hypernovae ultralumineuses. Ensuite, sont apparues les étoiles massives ou plus modestes, comme le Soleil, que nous connaissons aujourd’hui.

C’est un nouveau spécimen de cette seconde génération d’astres que les chercheurs du laboratoire Galaxies, Etoiles, Physique et Instrumentation GEPI (Observatoire de Paris, CNRS, Université Paris Diderot), de l’Université de Picardie Jules Verne (Amiens) et du laboratoire Cassiopée (Observatoire de la Côte d’Azur, CNRS, Université de Nice-Sophia Antipolis) viennent de découvrir en collaboration avec des collègues italiens et allemands. Ils l’ont débusqué parmi les 2 899 étoiles identifiées comme potentiellement primitives dans le recensement américain du Sloan Digital Sky Survey (SDSS). A la date de l’observation, un tiers seulement de ces objets essentiellement situés dans l’hémisphère céleste nord étaient accessibles au Very Large Telescope de l’Observatoire européen austral ESO sur le Paranal au Chili. Au final, une sélection plus restreinte de six candidats a été étudiée et l’on s’attend à ce que 5 à 50 étoiles similaires, pauvres en éléments lourds tels que carbone, magnésium, silicium, calcium, fer et strontium, puissent ainsi être identifiées.

Le meilleur des six candidats retenus, l’étoile SDSS J102915+172927, apparaît dans le ciel comme un infime point lumineux de magnitude 17, c’est-à-dire 25 000 fois trop faible pour pouvoir être aperçu à l’œil nu. Les scientifiques ont analysé son rayonnement à l’aide des instruments X-Shooter et Ultraviolet and Visual Echelle Spectrographe (UVES) installés sur Kueyen, l’un des quatre télescopes de 8 mètres de diamètre qui composent le Very Large Telescope. X-Shooter notamment est un spectrographe capable d’étudier en une seule fois toutes les gammes de lumières depuis le proche infrarouge jusqu’à l’ultraviolet. Il est équipé d’une optique à intégrale de champ qui le rend très efficace. Cet élément ainsi que le logiciel de réduction de données ont été conçus et fournis par l’Observatoire de Paris/GEPI (Observatoire de Paris, CNRS, Université Paris Diderot). X-Shooter opère régulièrement sur le ciel depuis 2009.

Surprise : les données acquises ont révélé que l’étoile primitive surnommée « étoile de Caffau » se compose presque uniquement des éléments légers hydrogène et hélium issus du big bang. Les éléments lourds synthétisés plus tard, ultraminoritaires, ne comptent que pour 0,00007 % de sa matière. . C’est 20 000 fois moins que ce que l’on mesure dans l’atmosphère du Soleil. En outre, l’étoile ne présente pas d’anomalie, d’enrichissement en carbone et oxygène, contrairement à ce qui a pu être constaté jusqu’ici dans ce type d’astre.

Problème : selon les modèles les plus classiques de formation d’étoiles, de telles naines uniformément pauvres en éléments lourds ne devraient pas pouvoir exister. En effet, avec si peu d’éléments lourds, un renforcement du carbone et de l’oxygène apparaissait comme essentiel pour que le nuage de gaz géniteur se refroidisse et se condense. Il n’en est rien. Dans ce cas au moins, la théorie devra être révisée.

Autre curiosité à expliquer : SDSS J102915+172927 s’avère très pauvre en lithium : un élément léger, primordial et fragile. Aux origines de l’Univers, il a accompagné l’hydrogène et l’hélium à l’état de trace. Mais pourquoi a-t-il disparu ici ? Quel processus l’a détruit ? Une idée plausible serait que la matière stellaire a été chauffée jusqu’à une température de plus de 2 millions de degrés à laquelle le lithium ne survit pas.

La petite étoile discrète découverte dans la constellation du Lion vient donc mettre à l’épreuve les scénarios astrophysiques consacrés qui prédisent… qu’elle ne devrait pas exister.

Contacts chercheurs
Piercarlo Bonifacio
Directeur de recherche CNRS
Observatoire de Paris
piercarlo.bonifacio@obspm.fr