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Les migrations résidentielles 2010-2015-2020 en France et leurs conséquences sur la localisation des marchés liés aux ménages


La France vieillit, mais elle bouge : les migrations se poursuivent et accroissent les disparités démographiques entre départements

Les migrations résidentielles : un facteur clé de la dynamique démographique locale

Pour tout territoire, la croissance démographique est un facteur explicatif clé de la dynamique des marchés liés aux ménages : logement neuf, services financiers et d’assurance, grande distribution, services urbains, etc. Cette croissance a deux composantes : le solde naturel (naissances moins décès) et le solde migratoire (entrées moins sorties).

Or, plus on descend dans l’échelle des territoires (France, régions, départements, communes), plus le solde migratoire joue un rôle important dans leurs écarts de croissance démographique. Ainsi, la compréhension et la prospective des migrations résidentielles est une des clés de la prévision des marchés locaux liés aux ménages.

Une étude multiclients déjà réalisée en 2002 par le BIPE sur les migrations inter-régionales à l’horizon 2010 en France métropolitaine avait été la première à identifier les facteurs explicatifs des migrations et à établir une modélisation permettant de projeter leur évolution à moyen terme. Les derniers recensements de l’INSEE ont confirmé la validité du scénario élaboré à l’époque par le BIPE : celui d’une accélération du déficit migratoire francilien et des migrations vers le Sud et l’Ouest.

La nouvelle étude multiclients que vient d’achever le BIPE porte l’horizon des projections démographiques à 2015 et 2020, et affine l’analyse à l’échelon départemental. Comme la précédente, son objectif est d’aider les grandes entreprises, confrontées aux déplacements de leurs marchés, à programmer l’ajustement de leur réseau national, de leurs capacités locales de production et de distribution. Elle a aussi pour vocation d’aider les pouvoirs publics à anticiper l’évolution des besoins de logements et d’équipements collectifs à l’échelle départementale.

L’ambition du BIPE est de combler un vide entre les approches micro-locales à court terme du géomarketing et les projections tendancielles à long terme élaborées par les démographes de l’INSEE, en offrant des données de cadrage quantitatif des marchés départementaux à l’horizon des plans stratégiques (5-10 ans).

Pour être opérationnelles, les projections du BIPE sont exprimées en nombres d’individus et nombres de ménages, et finement segmentées en sept classes d’âge et cinq types de ménages. De plus, les données départementales sont cohérentes avec un scénario macroéconomique et démographique national clairement explicité.

L’analyse quantitative et la modélisation économétrique des migrations résidentielles, fondées sur les données rétrospectives issues des recensements, ont été complétées par une enquête de terrain auprès d’un échantillon représentatif de 1 000 jeunes actifs et 1 000 seniors. Cette analyse qualitative permet de comprendre les mobiles et les facteurs de la mobilité résidentielle récente ou projetée, et apporte des éléments de description des projets résidentiels.

Résider en Ile-de-France est plus souvent vécu comme une contrainte que comme un choix

L’enquête auprès des jeunes actifs (25-39 ans) montre que la présence d’enfant(s) au sein du foyer restreint la mobilité, pour les franciliens comme pour les provinciaux ; les futurs mobiles sont en majorité des ménages sans enfant. De même, l’emploi est une contrainte forte à la mobilité des jeunes actifs : les résidents d’Ile-de-France sont 60% à rester dans la région parce qu’ils n’ont professionnellement pas le choix. Mais l’emploi est aussi un facteur majeur des migrations de la Province vers l’Ile-de-France, puisque la moitié des franciliens enquêtés sont venus dans la région pour un emploi.

Au-delà de la contrainte primordiale de l’emploi, la qualité de vie compte également pour les jeunes actifs. Les franciliens mobiles futurs sont peu satisfaits de leur qualité de vie dans leur région (rythme de vie, sécurité, bruit et pollution) et l’amélioration de leur cadre de vie est leur principal motif de mobilité (93% des enquêtés), loin devant les raisons professionnelles (47%). Les habitants de Province sont, eux, très attachés à leur cadre de vie : 86% des sédentaires souhaitent conserver leur cadre de vie, tandis que 66% des mobiles souhaitent l’améliorer en changeant de département, mais sans quitter la Province.

L’âge des seniors (55-64 ans) est marqué par la fin de leur carrière professionnelle et le passage à la retraite. Ce dernier se traduit par une mobilité relativement importante, une proportion non négligeable de retraités souhaitant désormais vivre dans une autre région que celle où ils ont passé leur vie professionnelle.

Cependant, la présence d’enfant(s) encore au foyer contraint la mobilité, surtout chez les franciliens : près de 50% des enquêtés ayant des enfants avouent rester sur place pour leur permettre de terminer leurs études. L’emploi joue aussi un rôle important dans la sédentarité des seniors, surtout chez les franciliens, qui sont plus nombreux que les provinciaux à déclarer qu’ils n’ont professionnellement pas le choix. Ils ne semblent donc pas prêts à sacrifier leur fin de carrière au profit d’un meilleur cadre de vie.

Si la qualité du cadre de vie et la présence des proches sont deux facteurs très favorables à la sédentarité des seniors de province et d’Ile-de-France, ils sont aussi les deux premiers motifs de mobilité des franciliens. Pour ces derniers, la mobilité future aura pour but d’améliorer leur cadre de vie (73% des enquêtés), de se rapprocher de leurs proches (58%) ou d’une région qui a eu de l’importance au cours de leur vie (44%).

Ainsi, mis à part une population minoritaire à revenus et CSP plutôt élevés, la résidence en Ile-de-France apparaît pour beaucoup comme une contrainte, liée à la vie professionnelle. La meilleure qualité de la vie en province n’est pas seulement un « rêve » pour une majorité de franciliens, mais aussi une réalité vécue par les provinciaux, à laquelle ils sont très attachés. Pour les trois-quarts des franciliens, qu’ils soient jeunes actifs ou seniors, le motif principal de la mobilité résidentielle vers la province est l’amélioration du cadre de vie, un projet que certains ne réaliseront qu’une fois les enfants partis du foyer et la retraite prise.

Les migrations résultent d’arbitrages qui différent selon l’âge

L’analyse rétrospective des migrations à travers les recensements, de même que l’enquête auprès des jeunes actifs et des seniors montrent que l’âge des personnes est particulièrement discriminant pour les comportements migratoires. Le BIPE a donc développé une modélisation économétrique des soldes migratoires départementaux par tranches d’âge, sur les trois dernières périodes intercensitaires (1982-1990, 1990-1999, 1999-2006). Parmi les nombreuses variables explicatives testées, sept ont été retenues.

La croissance de l’emploi apparaît comme un facteur d’attraction essentiel pour les jeunes actifs, tandis que la proximité de la mer ou de la montagne (souvenir des lieux de vacances ? ou attrait plus fondamentalement propre aux européens du XXIème siècle ?) prend le dessus audelà de 55 ans. Les villes universitaires attirent logiquement les 15-24 ans, mais font partir plus de 25-39 ans qu’ils n’en attirent, faute de pouvoir offrir (pour la majorité d’entre elles) suffisamment d’emplois correspondant aux niveaux de qualification acquis lors des études supérieures. La pollution atmosphérique, indicateur de la présence de certaines activités industrielles, mais aussi et surtout de la densité de peuplement des grandes agglomérations (avec les autres conséquences de cette densité : encombrements, insécurité, prix immobiliers élevés), est un facteur avéré des départs de population.

Deux populations mutantes : les jeunes actifs et les seniors

Un autre intérêt de la modélisation des migrations sur trois périodes intercensitaires (de 1982 à 2006) est de montrer que les comportements migratoires de chaque classe d’âge évoluent au cours du temps. Ceci en raison non seulement d’effets d’époque (montée de la sensibilité à la qualité de l’environnement), mais aussi d’effets générationnels (arbitrages vie privée / vie professionnelle des dernières générations plus favorables à la vie privée que ceux des générations antérieures).

Les jeunes actifs (25-39 ans) et les seniors (55-64 ans) sont deux sous-populations particulièrement importantes pour l’analyse et la projection des migrations résidentielles. Leur mobilité résidentielle est forte, et elles sont de plus à l’origine des changements de tendance et d’orientation géographique des migrations interdépartementales. La carte ci-dessous segmente les 96 départements selon les excédents ou déficits migratoires internes qu’ils connaîtront pour ces deux classes d’âge entre 2010 et 2020, selon les projections établies par le BIPE.

En plus de l’orientation générale des migrations du Nord-Est vers le Sud-Ouest, cette carte montre la fonction d’accueil des jeunes actifs assurée par le grand bassin parisien, où l’accès au logement est moins difficile qu’à Paris et en première couronne. Elle montre aussi l’attrait des départements ruraux, et pas seulement de la mer et de la montagne, pour les seniors.

La diversité des activités régionales se traduit par des disparités pérennes de croissance de l’emploi

L’analyse montre que la croissance de l’emploi est une variable explicative importante des migrations des moins de 55 ans. Leur projection nécessite donc une capacité à anticiper l’évolution à moyen terme de l’emploi local, dont le BIPE dispose avec ses modèles.

Le modèle propriétaire du BIPE « DIVA-Régions » repose sur la mise en évidence de deux effets propres à chaque région :
• l’effet « structure » qui traduit la spécificité sectorielle de chaque région comparée à la structure sectorielle nationale ; il peut s’agir d’un handicap si la région contient des pôles d’activités en déclin ou en faible croissance, ou d’un avantage si la région est spécialisée dans des activités dont le marché national et / ou international est en croissance ;
• l’effet « dynamisme régional » qui est propre à chaque région et reflète l’incidence de facteurs spécifiques, tels que des effets d’organisation intersectorielle (« clusters »), de dynamisme entrepreneurial, de proximité, de desserte par les transports, etc.

Les projections départementales d’emplois à l’horizon 2020 réalisées par le BIPE à l’aide de ce modèle tiennent compte :
• des projections nationales d’évolution de l’emploi total qui, dans un contexte macroéconomique de lente sortie de crise, devrait progresser de 0,3% par an entre 2010 et 2015, et de 0,4% par an entre 2015 et 2020 (à comparer au 0,6% de la période 1990-2010) ;
• de l’évolution prévue de la répartition de l’emploi par secteurs au niveau national (modèle DIVA) ;
• de l’« effet structure » ;
• de l’évolution tendancielle de l’effet « dynamisme régional », modulée par la prise en compte de l’impact à venir des politiques d’aménagement du territoire connues à ce jour (pôles de compétitivité, nouveaux axes TGV) ;
• de l’effet rétroactif de la croissance démographique sur la croissance de l’emploi dans les services aux particuliers et les services administrés.

La géographie de la croissance de l’emploi qui découle de ces projections se caractérise par la poursuite du déclin de l’emploi industriel dans le Nord de la France, la répartition de l’emploi des services aux entreprises dans les métropoles régionales, et le développement des services aux ménages dans les franges littorales et frontalières.

Le BIPE

Créé en 1958, le BIPE est une société d’études économiques et de conseil en stratégie auprès des entreprises privées et des pouvoirs publics. Ses cinquante consultants sont basés à Paris.

L’apport du BIPE se situe dans sa capacité à quantifier, prévoir, anticiper de manière indépendante l’évolution de l’environnement économique, des secteurs et des acteurs à partir de savoir-faire quantitatifs (prévision économique, socio-démographie, etc.) et qualitatifs (prospective, segmentation marketing, analyse stratégique).

Ces capacités sont mises au service des politiques publiques (évaluation, régulation, programmation) et des entreprises (observatoires et prévisions de marchés, business plans, marketing stratégique) dans des prestations de conseil ad hoc, et dans des clubs et observatoires.