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MEMORANDUM DROITS DES PASSAGERS


1.      Une idée fausse : la « prospérité » du transport aérien français

Il y a bien longtemps que le transport aérien français ne correspond plus à l’image d’un transport de « riches » mais qu’il assure la démocratisation du voyage, la rationalisation des coûts, le désenclavement régional et parfois les missions de service public tout en développant les activités annexes aéroportuaires, les emplois directs et les emplois induits, l’industrie du tourisme, ainsi que la construction aéronautique française.

Il s’agit d’un transport s’effectuant dans des conditions optimales de sécurité et de sûreté.

Malheureusement son économie est particulièrement aléatoire en fonction d’éléments extérieurs et surtout en raison d’une pression fiscale qui n’a pas d’équivalent en France pour les autres moyens de transport ni même en Europe pour le transport aérien.
(ceci ressort d’enquêtes nombreuses et concordantes).

2.      Les droits reconnus aux passagers

2.1.  Le règlement européen CE 261/2004

Ce règlement exonère en principe les compagnies aériennes de leur obligation d’indemnisation pécuniaire en cas de circonstances extraordinaires telles que : circonstances météorologiques exceptionnelles, grèves du contrôle aérien, etc… mais il leur impose, en cas d’annulation, de proposer aux passagers soit le réacheminement, soit le remboursement du billet sur la base du prix payé ainsi qu’une assistance aux passagers.

Par ailleurs, en cas de faute du transporteur (surréservation, disfonctionnement interne, etc..), le règlement prévoit un système d’indemnisation.

2.2.  L’arrêt de la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) du 19 novembre 2009.

Cet arrêt dit « Sturgeon » a été créateur de nouveaux droits pour les passagers en étendant le régime d’indemnisation des annulations aux retards de plus de trois heures.

L’arrêt « Sturgeon » fait actuellement l’objet d’une application particulièrement contestée : la Haute Cour d’Angleterre a demandé aux tribunaux anglais de ne pas l’appliquer, de nombreux tribunaux européens ne le reconnaissent pas et de nombreuses organisations de compagnies aériennes ou la quasi-totalité des transporteurs ont introduit des contentieux à son sujet.

Bien entendu cette décision ne pouvait qu’encourager les compagnies aériennes à supprimer purement et simplement le vol en cas de retard important et à ne régler
(au mieux) que l’indemnité d’annulation. Ceci est d’ailleurs devenu la pratique constante des compagnies aériennes « low cost », comme on l’a vu récemment.

3.      La proposition du SCARA

Elle consistait à réviser le règlement européen actuel en intégrant, avec discernement, l’arrêt « Sturgeon » afin de maintenir un juste équilibre entre la nécessaire protection des droits des passagers et l’indispensable attention aux coûts financiers à la charge du transporteur en évitant ainsi l’effet d’aubaine d’indemnités forfaitaires chiffrées à 500 € pour un aller/retour coûtant, par exemple, 50 € TTC.

Bien entendu, cette proposition insistait sur différents points très importants :

–         la nécessaire information régulière et la plus complète possible auprès des passagers,

–         la proportionnalité entre le prix réellement payé et le montant de l’indemnité,

–         la meilleure définition à la fois de l’imputabilité des responsabilités et des circonstances extraordinaires.

Ce projet reprenait, par ailleurs, les préoccupations de Monsieur Thierry BAUDIER, Médiateur nommé par le Gouvernement à l’occasion de l’éruption volcanique, exprimées dans son rapport du 23 septembre 2010 où il soulignait « les conséquences financières extrêmement préjudiciables pour les compagnies aériennes » (p.69).

Cette proposition avait reçu le soutien formel du Gouvernement, par lettre ministérielle, du 3 septembre 2010, puis elle avait été présentée à la Commission le 6 septembre ainsi qu’à Monsieur Brian SIMPSON, Président de la Commission transports au Parlement Européen. Tous deux lui avaient réservé un accueil positif ainsi que le Bureau européen des associations de consommateurs.

Cependant aujourd’hui, elle doit être examinée à la lumière des évènements récents.

4.      Les difficultés actuelles

4.1.  Les transporteurs aériens dans l’épisode neigeux

On a constaté en France que, dans des circonstances absolument extraordinaires, le transport aérien français était particulièrement mal traité du fait qu’il se conformait à ses obligations alors que les compagnies « low cost » déversaient à Roissy/CDG leurs passagers prévus pour Londres en les abandonnant entièrement.

Il faut savoir également que la plupart des compagnies aériennes d’Etats n’appartenant pas à l’Union européenne ne reconnaissent aucune règle en la matière, ne font aucune proposition, ne fournissent aucune assistance et viennent ainsi grossir les difficultés du transport aérien français basé en France et qui subit déjà l’essentiel du « fardeau » des annulations et des retards, dont il n’est pas responsable.

4.2.  Le rôle d’ADP

Il apparait, à ce stade, que les communications et les informations d’Aéroports de Paris ont été particulièrement contradictoires, incomplètes voire inexactes.

ADP a ainsi omis de prévenir, le 23 décembre de la baisse brutale (des 2/3) de la capacité de dégivrage des avions, a expliqué qu’il n’y avait pas de problème d’approvisionnement en Glycol à Roissy au moment même où la DGAC déclarait « il y a clairement un problème d’approvisionnement en Glycol à Roissy ».

En tout état de cause, ADP aurait dû, au plus tôt, demander au Gouvernement d’effectuer des réquisitions tant pour la livraison de Glycol que pour le mouvement social qui a affecté sa filiale Alyzia.

Son Président ne considère ADP que comme une société privée en oubliant qu’il est délégataire du service public dont il doit assurer la continuité.

Par ailleurs et avec un préavis de 24 heures, ADP a augmenté sa taxe d’aéroport de 15% : ainsi les compagnies aériennes qui ont déjà vendu plus de 50% de leurs voyages de Janvier avec 10 € de taxe devront acquitter 11,50 € à ADP pour tous les voyages à partir du 1er janvier 2011.

Bien entendu, dans le même temps, ADP prévoit une progression de sa rentabilité opérationnelle de l’ordre de 40%. (l’Expansion)

Il serait donc gravement paradoxal que les disfonctionnements d’ADP viennent aggraver les difficultés des compagnies aériennes alors même que sa responsabilité semble démontrée.

En tout état de cause, le rapport de l’Inspection qui doit être remis le 10 janvier prochain clarifiera tous ces points.

4.3.  Les autres moyens de transports en France

Il est anormal que les moyens de transports terrestres concurrents du transport aérien – Autoroutes et SNCF – soient totalement exonérés de toutes responsabilités y compris financières.

Chacun connait les aides de l’Etat pour ces infrastructures et le régime particulièrement lacunaire de toutes les indemnisations.

5.      L’Europe

Dans ce contexte particulièrement injuste où les règles élémentaires de concurrence entre compagnies et entre modes de transport sont clairement bafouées, où l’application des textes et des jurisprudences révèle des incohérences préjudiciables à la sécurité juridique et à la viabilité de l’opération de transport, il apparait urgent et important que le Gouvernement se mobilise auprès de la Commission afin que soit rétabli l’équilibre entre la protection des droits des passagers et la garantie de la pérennité du transport aérien, équilibre dont, selon nos informations, la Commission semble actuellement consciente.

Jean Baptiste VALLE